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Le congrès Eucharistique

05 juillet 2017
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Jean RODHAIN, « Le Congrès Eucharistique National de Nancy reprendra le 10 juillet une authentique coutume des premiers chrétiens », Messages du Secours Catholique, n° 8, mai 1949, p. 8.[1]

Le congrès Eucharistique National de Nancy reprendra le 10 juillet une authentique coutume des premiers chrétiens

Chaque diocèse apportera, offrira un don régional et symbolique au moment de l'0ffertoire. Et le soir, à l'apothéose, en présence du Saint‑Sacrement, tous les diocèses échangeront ces dons symboliques en signe d'union et de charité. Dans chaque diocèse de France c'est à la délégation diocésaine du SECOURS CATHOLIQUE qu'a été confiée cette récolte, cette offrande et cet échange.[2]

L'Offertoire aux mains pleines[3]

L'ENSEIGNEMENT du Seigneur commence par une présentation du visible.

Avant de parler, il arrive ; il se présente, il se fait voir ; il attire l'attention avec une pédagogie devant laquelle tous les agents de publicité ne sont que des pauvres enfants ; crèche, étoile, cortège des mages, massacre des innocents, fuite en Égypte, enfant perdu, apparition prodigieuse au temple... Et dire que nous appelons cela « vie cachée ! »

* * *

Et lorsqu'il veut parler de charité, Il commence par la prouver.

Il commence ses paroles publiques par un service public : le vin multiplié à Cana.

Avant les paroles des béatitudes, une béatitude contrôlable : il multiplie les pains et les distribue à cinq mille hommes, devenus ensuite cinq mille auditeurs.

Il n'admet pas les mots sans réalisations.

Et les amis qu'il admet dans son intimité, n'y accèdent point les mains vides.

Les bergers arrivent à la crèche, mais avec des agneaux.

Les mages parviennent près de l'enfant, mais chargés de présents.

Ainsi les premiers chrétiens s'avancent pour les premières messes avec le pain, le vin, l'huile, les gâteaux, les fruits. Et si une part du pain et du vin est réservée à être consacrée, le reste, c'est‑à‑dire l'ensemble, est offert dans le même offertoire, puis réservé pour les pauvres et les malades.

Mais pourquoi dire toujours "premiers chrétiens" comme s'il s'agissait d'une naïveté touchante d'initiateurs novices. Il ne s'agit pas de chrétiens débutants. Il ne s'agit pas du lendemain du Cénacle. Au cinquième siècle, c'est la pratique courante. Saint Augustin et saint Ambroise y font continuellement allusion dans leur prédication. Cela s'appelle les "eulogies". Et le « pain bénit » n'est que la continuation de cette distribution fraternelle : don, partage, échange. Ce n'est pas un symbole inventé après coup pour évoquer un sentiment. C'est un geste essentiel qui s'est peu à peu amendisé et atrophié.

Et « l'offrande » des enterrements avec son défilé est le même rappel, ainsi que la quête "traditionnelle", mais l'apport d'offrandes matérielles et encombrantes s'est peu à peu simplifié et adapté : la monnaie remplace l'objet.

Son Excellence Monseigneur Fleury a voulu que la grand‑messe du congrès rejoigne les mêmes gestes et retrouve la vie même de l'Eucharistie dans le partage historique.

C'est l'histoire. C'est le vrai. Et l'enseignement véritable n'est qu'une déduction du vrai.

Son Excellence Monseigneur Fleury a voulu que dans tous les diocèses le Secours Catholique remplisse le rôle des diacres de l'Eglise primitive et prenne la charge de ces offrandes, les achemine vers Nancy et les distribue. Le Secours Catholique est très fier de cette confiance accordée et de cette fonction attribuée.

La Bourgogne apportera donc à Nancy une barrique de vin de messe. L'Artois ses toiles, la Provence les jarres d'huile d'olive et chaque région un don symbolique.

Les chrétiens de Belgique emporteront, pour leurs hôpitaux, l'huile de Provence, les missionnaires de Chine auront reçu le vin de messe, les délégués de Cologne repartiront avec, pour leurs sacristies, les toiles tissées en Artois.

Dans les hôpitaux et hospices de Nancy, le soir même, la distribution sera réalisée pour chacun, avec les colis apportés par tous. Car, chaque congressiste apportera, en arrivant dans l'enceinte de la place Carnot, un paquet symbolique.

Après cela, on pourra dire : « Voyez comme ils s'aiment ». L'Eucharistie sera comprise, par la foule, parce que la foule aura vu, non des mots, mais des réalités. Un chrétien véritable n'a pas les mains vides.

                                                                                  Abbé Jean RODHAIN

                                                                      Secrétaire général du Secours Catholique.

L'offrande du 10 juillet

Reportage anticipé de l'Offertoire du congrès de Nancy

 

La noria s'amorce

Il est 9 heures du matin. En ce radieux dimanche de juillet, la place Carnot est déjà en partie garnie. Dans la grisaille des vêtements et des silhouettes agglutinées autour de l'immense podium apparaissent cependant quelques taches de couleur.

Chaque angle de la place est occupé par un véhicule décoré simplement. Ici un lourd char vosgien avec deux bœufs blancs. Il est tout chargé de pièces de coton blanc arrivant des filatures et tissages de la Moselle. En face une voiture bourguignonne avec trois barriques enrubannées.

Et chaque côté du grand carré se festonne peu à peu de petits groupes. Deux Arlé­siennes dont le brancard présente l'amphore d'huile d'olive. Deux canuts lyonnais avec sur les épaules un semblable brancard, mais chargé de soieries. Ce sont les chasubles offertes par le diocèse de Lyon. Car ces costumes signalent les délégations de toute la France. Et au­cune n'a les mains vides. Chacune apporte un don symbolique. C'est un produit de la région réellement collecté, acheminé à Nancy, et symbole de toute une générosité régionale exercée vis‑à‑vis de la misère. Voici Mazamet lourdement chargé de laines aux boucles blanches, et voici le groupe de Nantes avec ses coiffes variées et son cadeau humble et moderne : conserves de poisson simplement présentées.

Mais à chaque porte de l'enceinte un monticule peu à peu s'édifie. En y regardant de plus près on remarque que chaque congressiste avant de pénétrer s'avance vers le tas et dépose un objet. Mon voisin me renseigne : il s'agit de petits colis personnels. C'est une idée toute simple qui s'est propagée sans bruit. Chacun a préparé un petit paquet : un kilo de sucre, ou un morceau de lard, ou une douzaine d'œufs, avec trois lignes signées par toute la famille. Poids limité à 3 kilos. Ça n'a l'air de rien. Mais tous les quarts d'heure un énorme camion repart chargé de 3 tonnes de colis. Cette noria continuelle et spontanée alimentera, paraît-il, l'Offertoire. Mais un Offertoire rejaillissant ce soir même dans chaque salle d'hôpital de la région.

L'appel des mains pleines.

9 h 50. Toutes les cloches de Nancy achèvent leur sonnerie pour annoncer la grand'messe qui va commencer dans dix minutes. Tout est comble sur la place. Sauf le carré blanc du centre et le podium où quelques cérémoniaires terminent les derniers préparatifs avant l'arrivée du cortège pontifical.

Et, tout à coup, un léger fond sonore monte comme une vague puissante et lointaine. On y reconnaît l'un après l'autre les airs et les cantiques de Bretagne et d'Anjou, de Gascogne et d'Alsace. Et sur ce fond sonore, à chaque région évoquée, un lecteur nomme le diocèse. Et, aussitôt, la délégation s'avance d'un pas seulement, avec son présent. C'est un appel à la fois poétique et géographique. Les fleurs de Nice s'alignent sur les dentelles d'Artois. Les présents sont divers, mais présentés avec ensemble.

Toute la France est là, les mains pleines. Mais alors que tous les groupes ont été appelés, l'appel continue. Et personne ne s'avance plus.

Et chacun voit dans son cœur ce que l'on ne savait pas : les prisonnières de Haguenau et leur collecte, les malades des sanas et leur offrande.

Sans costumes, sans objets, sans délégués, c'est l'invisible qui pénètre maintenant. Les privations les intentions prennent leur place sans que personne s'étonne de cette arrivée où on ne voit rien, de ce cortège que personne ne songe à chercher des yeux.

Voici d'ailleurs la procession qui paraît. Il est 10 heures.

L'offrande eucharistique

10h35. Le sermon achevé le Credo a été un long cri de foi.

Mais lorsque l'assemblée est parvenue à l'évocation de l'Eglise catholique, toutes les délégations avec leurs présents se sont dressées. "Unam Sanctam Catolicam Ecclesiam" déclenche un cortège colorié. Il monte lentement les marches du podium. Il arrive à l'autel au moment où la messe va commencer. En tête les enfants de Marie, qui ont collecté le blé et le froment, présentent les hosties à consacrer. Ensuite les vignerons du Bordelais avec le vin pour le calice. Ensuite la délégation du Sahara avec son fardeau de dattes, et toutes les provinces avec tous leurs produits. Ils sont bénis. Ils sont offerts. Ils sont au pied du podium comme une couronne silencieuse. C'est le signe du don des mains, parlant au nom des âmes. C'est l'offrande au même Père des cieux. Ce sera le partage aux mêmes frères de tout à l'heure.

 

L'échange catholique

Il est 16 heures. La journée triomphale va conduire les foules vers la procession. Mais il y a un imprévu. Les délégations sont là avec leurs dons. Mais les dons ne sont plus à elles. Ils ont été offerts au Seigneur. Ils sont à tous. Et en signe de fraternité, voici l'inattendu cérémonial de l'échange.

Le diocèse de Cologne vient recevoir de Lyon les ornements pour ses églises rhénanes. Les missionnaires de Chine reçoivent de Bordeaux une provision de vin de messe pour une année. Annecy bénéficie, pour les malades de ses sanatoria, des dattes africaines. Les infirmières de Madagascar emportent les médicaments donnés par le diocèse de Paris. Et voici un représentant de Bethléem qui recueille, pour son hôpital, les linges tissés en Normandie.

Chacun repart avec une preuve de l'amour eucharis­tique.

Echos divers

Le soir, à l'hôpital, alors que chacun reçoit le paquet d'un congressiste, et l'ouvre, et parmi trois humbles dons trouve les signatures, il dit : « Maintenant, je com­mence à comprendre ce que c'est que leur Congrès. »

Le soir, en arrivant en gare, les délégués du Secours Catholique de chaque région, voyant chaque groupe repartir avec l'offrande parlante, se disent : "Ce fut du travail pour persuader, pour trouver, pour collecter, pour réussir, mais ça valait la peine."

Le soir, les délégués de Cologne, dans le train qui part, regardent tantôt le long de la voie, les ruines non encore rebâties, tantôt ils regardent au milieu du com­partiment, l'énorme colis de beaux tissus offerts pour leurs sacristies.

Ils ne disent rien.

Ça vaut mieux !

                                                                                              Jean LORRAINE

 

 

[1] Cet article est également paru dans Nancy 49, journal mensuel d'informations religieuses, n°4, 15 avril 1949, p.1. 3 CO 338/1230. On a ici porté en italique les parties qui figurent dans l'article de Nancy 49 et ne figurent pas dans Messages. (note de l’éditeur)

[2] L'ensemble de ce chapeau ne figure pas dans l'article de Nancy 49. (note de l’éditeur)

[3] Dans l'article de Nancy 49, on lit comme titre : "Les Lorrains sont des réalisateurs". (note de l’éditeur)

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