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La commission « Justice et paix »

30 août 2017
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Jean RODHAIN, « La commission "Justice et paix" », La Croix, 7 février 1967.

La commission « Justice et paix »

« Quand un évêque d’un diocèse pauvre vient à Rome, il trouve des bureaux pour les questions de mariages, ou d'index, ou de rites. Mais s'il veut parler de la pauvreté de son peuple, il ne trouvera aucun bureau relatif à cette question ».

Cette plainte a été formulée dans une des Commissions préparatoires au Concile. Après le Concile une telle plainte ne sera plus possible, car « le bureau relatif à cette question » vient d'être créé. Il ne fonctionne pas encore, mais il a déjà une histoire.

Avant le Concile.

On ne peut comprendre les travaux du Concile que si on commence par l'étude des 15 volumes « préparatoires ». Ils contiennent les réponses aux questionnaires envoyés deux ans avant le Concile aux évêques, aux Nonces, aux Universités Catholiques. Ils servirent de base aux Commissions préparatoires. Or dans ces documents, nombreux sont les dossiers où des évêques du Tiers-Monde réclament que le Concile aborde les problèmes de la faim, du chômage, du logement, et surtout de la justice internationale. Il y a dans ces archives des pages prophétiques qu'il faudra bien publier un jour.

Pendant le Concile.

On a beaucoup parlé d'un groupe para-conciliaire spécialisé dans les problèmes de la pauvreté. Sous la présidence du bon Cardinal Gerlier, un cercle d'études a en effet réuni au Collège belge, des Pères, des Experts et des « passagers ». Ils ont entendu d'excellentes conférences et quelques propositions sérieuses et d'autres qui étaient enfantines et farfelues. Ces réunions ont eu l'avantage de polariser une aspiration partagée par beaucoup.

Bien plus précis a été le travail de certains ateliers. Se rendant compte que le Concile n'avait ni le temps, ni les bureaux d'études nécessaires pour traiter ces problèmes, ces ateliers ont pensé que, par contre, le Concile pourrait promouvoir utilement la création d'un organisme d'Église chargé de ce travail.

En France, les Encycliques sociales ont été « monnayées » par l'Action Populaire. Pourquoi, sur le plan international, le Concile ne favoriserait-il pas une entreprise semblable ?

Son Exc. Mgr Swanstrom, Directeur du Secours Catholique des U.S.A., fut le premier à prononcer une intervention dans ce sens. Pendant la discussion du Schéma XIII, plus de 15 interventions réclamèrent la même création[1].

Enfin le 7 Décembre 1965, par 2.309 voix contre 75, le Concile adoptait le point 90 du Schéma XIII, ainsi finalement rédigé :

« Considérant l'immense misère qui accable, aujourd'hui encore, la majeure partie du genre humain, pour favoriser partout la justice et en même temps pour allumer en tout lieu l'amour du Christ à l'endroit des pauvres, le Concile, pour sa part, estime très souhaitable la création d'un organisme de l'Église universelle, chargé d'inciter la communauté catholique à promouvoir l'essor des régions pauvres et la justice sociale entre les nations. »

Une création était donc prévue. Parmi les Commissions post-conciliaires établies, laquelle serait chargée de cette création ? C'est ici que la situation se complique...

Après le Concile.

Une lettre de la Secrétairerie d’État, en date du 21 Février 1966, adressée à Mgr Rodhain, Président de « Caritas Internationalis », le chargeait, conjointement avec Son Exc. Mgr Swanstrom, « de rassembler à Rome un groupe restreint d'experts, et de Directeurs de « Caritas » afin d'examiner s'il convient d'établir un organisme central d'Église, destiné à promouvoir la justice sociale entre les nations et à combattre la faim dans le monde. »

Cette réunion de 21 experts se tint à Rome du 9 au 12 mai 1966, sous la présidence conjointe de Son Exc. Mgr Swanstrom et de Mgr Rodhain, avec comme secrétaire Mgr Grémillion, et comme animateur Mr James Norris, qui fut depuis la première heure l'infatigable ouvrier de cette initiative.

Les juristes ne manquèrent pas de faire remarquer qu'après le Motu Proprio du 3 Janvier 1966, délimitant la liste des Commissions post-conciliaires, la tenue d'une telle réunion n'avait qu’une base juridique précaire. A côté des juristes, et plus bruyants qu’eux, les sceptiques ne manquaient pas pour affirmer que ce travail d’enfantement serait sans suite.

L'Osservatore Romano du 13 mai 1966 redonnait un espoir. Il publiait in extenso le discours du Pape aux 21 experts et l'adresse de présentation des travaux, lue à l'audience par Mgr Rodhain.

En Juillet, S.E. le Cardinal Roy est nommé à la tête d'une Commission chargée de mettre au point à la fois les structures du futur « Conseil des Laïcs et du futur organisme prévu par le paragraphe 90.

Les 3 et 5 Octobre 1966, les experts du 11 mai exposent devant la Commission du Cardinal Roy l'essentiel de leurs travaux et proposent diverses solutions pour l'architecture de cet organisme.

Le 21 Novembre 1966, Monsieur Than, secrétaire général des Nations Unies écrit au Souverain Pontife une lettre pressante :

« …Du point de vue de mon travail, je constate chaque jour le besoin énorme d'éducation et d'information. Il nous faut essayer à temps et à contre temps d'atteindre la conscience des gens, de leur expliquer la faim et les besoins, d'éveiller leur intelligence, d’émouvoir leur cœur et de confirmer leur désir.

C'est une grande consolation pour moi de savoir qu'un organisme avec toute l'influence universelle qu'a l'Église Catholique, est prêt à tenir sur le plan mondial ce rôle d'éducateur et de promoteur. L'évolution de ce travail sera suivie avec grand intérêt, non seulement par les Nations Unies mais également par ses nombreuses agences qui, j'en suis certain, voudront maintenir le lien le plus étroit et le plus fécond possible, selon les moyens que vous déciderez, pour atteindre ce but. »

Le 12 Décembre, le Pape répondait :

« …Bientôt ce nouvel Organisme sera créé, et il gardera un lien étroit avec toutes les organisations intéressées dans ce problème vaste et urgent, et plus spécialement avec les différents organismes qui constituent la famille des Nations Unies. »

Pendant ce temps, ceux qui avaient été les plus sceptiques sur cet enfantement, étaient pris d'une vive et soudaine sollicitude pour le registre de baptême et les listes de parrains.

La veille de Noël, dans son discours aux cardinaux et au corps diplomatique, le Pape annonçait la création de cet organisme.

Le 6 Janvier était promulgué le Motu Proprio « Catholicam Christi Ecclesiam ». traitant à la fois du Conseil des laïcs et de l'Organisme appelé « Commission Pontificale Justice et Paix ».

Les buts de la Commission Pontificale « Justice et Paix » sont définis ainsi :

« Elle aura pour but d'éveiller l'ensemble du Peuple de Dieu à une pleine intelligence de son rôle à l'heure actuelle, d'une part pour promouvoir le progrès des pays pauvres et encourager la justice sociale entre les nations et d'autre part pour aider les nations sous-développées à travailler elles-mêmes à leur développement. »

Comme son nom l'indique, il s'agit d'une Commission d'études, sans caractère opérationnel.

Ces études porteront sur :

- la documentation.

- l'approfondissement, notamment sous l'aspect théologique, pastoral et apostolique, des problèmes d'ensemble posée par le développement et par la paix.

- la diffusion de cette doctrine et cette information à l'intention de tous les organismes appropriée de l'Église.

- la liaison à établir harmonieusement entre les organismes existants.

Structure.

Un Président (Cardinal Roy) et un Vice-Président (Mgr Castelli) qui exercent en même temps les mêmes fonctions au Conseil des Laïcs.

Un Secrétaire Général : Mgr Grémillion (U.S.A.).

Douze membres, nommés par le Saint-Siège pour 5 ans, et des Consulteurs[2].

Les douze membres sont: Mgr Dossing (Allemagne) ; Mgr Ligutti (Etats-Unis) ; Mgr Rodhain (France) ; M. Lima (Brésil) ; M. de Rosen (France) ; Mme Klompe (Hollande) ; M. Norris (Etats-Unis) ; M. Ryan (Inde) ; M. Schauff (Allemagne) ; M. Swiezawski (Pologne) ; M. Véronèse (Italie) ; Lady Jackson (Angleterre)[3].

Où en est-on ?

Actuellement il n'existe pour cet organisme qu'un bureau avec une table et deux chaises. Il sera au printemps installé au Transtevere, dans le Palais Saint-Calixte, ainsi que le Conseil des laïcs et les nouveaux bureaux de « Caritas Internationalis ».

De même que les Monastères du Moyen Âge consacraient une part notable de leur activité à la recherche et à l'étude et aux manuscrits, voici qu'au lendemain du Concile l'Église établit un « laboratoire spécialisé », un « bureau d'études à long terme » « pour les problèmes de la faim et de la paix ». C'est un premier fruit visible de la Constitution « Présence de l'Église au Monde ». C'est une tâche très lourde pour les membres de la première équipe. Et c'est pour le nouveau Conseil des laïcs une occasion de faire travailler les laïcs du monde entier à cette universelle pédagogie de la Charité, dont le développement est une des formes actuelles.

Jean RODHAIN

 

[1] En Novembre 1964: Cardinal Frings ; Mr Norris ; Cardinal Richaud (au nom de 70 Evêques, dont le Cardinal Silva Henriquez, alors président de Caritas Internationalis) ; R.P. Mahon, Supérieur Général des Missionnaires de Mill Hill ; Son Exc. Mgr Fernandes, Archevêque-Coadjuteur de Delhi ; Son Exc. Mgr Ethever, Evêque d'Ambato ; le Cardinal McCann, Archevêque du Cap, etc.

[2] Les Consulteurs sont: NN.SS. de Araujo Sales (Brésil) ; Fernandes (Inde) ; Henriquez Jimenez (Venezuela) ; Swanstrom (Etats-Unis) ; Mgr Guzzotti (Italie) ; Mgr Pavan (Italie) ; R.P. Cosmao (France) ; R.P. Mahon (Angleterre) ; M. Bassani (Italie) ; M. d'Arboussier (Sénégal) ; M. Giacchi (Italie) ; M. Lombardi (italie).

[3] Un 13ème membre a été désigné ultérieurement : Mr Vanistendael (Belgique).

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