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Mgr Gérard Defois : ouverture du colloque

07 décembre 2013
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Mgr Gérard Defois, président de la Fondation Jean-Rodhain a ouvert le colloque 2013 intitulé : "Les fruits de Diaconia 2013".

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Chers amis,

En vous accueillant pour ce colloque de la Fondation Jean Rodhain, je ne peux que me réjouir de votre présence, car vous avez été très nombreux à manifester votre intérêt pour relire ici cet évènement de l’Ascension 2013. Il a été si marquant pour notre Église en France, jusqu’en nos paroisses de campagne ! Mardi dernier, à Lourdes, les évêques de France ont échangé leurs expériences à ce sujet et ils y reviendront samedi. C’est dire que nos débats sont utiles pour développer des initiatives locales et même nationales sur ce thème de la diaconie. Et qu’ils sont attendus.

Toutefois, je dois le préciser, la finalité propre de la Fondation voulue par Mgr Jean Rodhain n’est pas de l’ordre de l’action pour prescrire des directives nationales, elle est universitaire, elle est liée aux facultés de théologie en France pour apporter à tous des analyses et des suggestions, Nous l’avons fait il y a deux ans à Lyon par un précédent colloque sur ce thème publié dans les cahiers de l’Atelier, ou encore il y six ans déjà sur « la parole des pauvres », il y quatre ans sur « les familles dans la spirale de la pauvreté ». Il s’agit donc pour ce colloque, de faire avancer la réflexion et de multiplier les propositions pour favoriser le développement concret de ce qui a été évoqué à diaconia 2013. Nous sommes un espace libre, nous n’avons aucun mandat, ni de la Conférence épiscopale, ni du Secours Catholique, et les orientations qui pourraient sortir de nos débats sont mises au service de ceux qui voudront les prolonger dans les diocèses ou les familles religieuses. Sur ce point, l’appui des « chaires Rodhain » des facultés que nous aidons financièrement dans les universités et les établissements d’enseignement supérieur, peut vous êtes très utile, d’autant que la plupart des titulaires de ces chaires sont parmi vous, aujourd’hui.

Sur le plan de la méthode de travail je veux souligner qu’un colloque est autre chose qu’un congrès où chacun occupe une tribune pour parler selon sa compétence, autre chose qu’une session où des experts-maîtres diffusent leur savoir. Nous sommes là, tous compagnons de questionnement pour nous enrichir de nos diversités et accepter avec une vraie disponibilité intellectuelle la parole et la vérité des autres. Tant mieux si nous sommes divers, cela sera plus authentiquement catholique, c’est-à-dire ouvert à la différence des interprétations. Il n’y a pas de fraternité de recherche possible sans une part d’humilité pour entendre la parole des autres

En présentant aux évêques mardi dernier une réflexion sur ce qui a été vécu et porté durant la rencontre de Lourdes, Mgr Jacques BLAQUART, nouveau président du Conseil pour la solidarité faisait quatre observations qui pourront être parlantes pour nos échanges :

1. La « charité » n’est pas optionnelle, ou l’affaire de spécialistes, elle est liée intrinsèquement à notre nature de baptisés. Benoît XVI : Deus caritas est, n° 25.

2. La crise économique, politique, morale de notre monde touche d’abord les plus fragiles. Saurons-nous cheminer avec eux ?...Il s’agit de poser des signes, d’être vraiment Sacrement de Salut, de l’Amour manifesté en Jésus-Christ. Nos frères humains, souffrants, sont le visage du Christ.

3. Le Pape François nous a appelé à « aller aux périphéries », c’est-à-dire vers toutes les misères du monde, à sortir dans la rue…à ne pas être une Église malade à force de se protéger du monde.

4. Il y a une dimension spirituelle de la rencontre avec les pauvres, le rassemblement de Lourdes nous appelle à vivre dans la réciprocité avec les personnes en précarité. Nous avons du chemin à faire pour qu’ils aient davantage la parole et toute leur place dans la vie ordinaire de l’Église.

Je citerai ici l’encyclique du Pape François :

« La foi chrétienne est foi dans le plein amour, dans son pouvoir efficace, dans sa capacité de transformer le monde et d’illuminer le temps. » Lumière de la foi n°15. De cette capacité sociale et fraternelle de l’amour chrétien, nous sommes par vocation les témoins pour transformer le monde avec d’autres et donner un peu de lumière en ces temps de doute. En relisant les débats et les documents sur ce terme de la diaconie j’aperçois quatre significations qui s’opposent ou se rejoignent tour à tour, selon vos expériences ou vos organisations :

-  La diaconie comme attitude éthique inspirée de l’évangile pour exprimer les valeurs de justice, de solidarité et de compassion, de fraternité même pour aider les pauvres, en les écoutant et en les associant à leur propre responsabilité.

-  La diaconie comme traduction christologique de la charité, appuyée sur la diaconie du Christ pour répondre aux vœux de son Père dans le salut des fils de Dieu, incluant une dimension kénotique de service de ses frères en humanité, frères dont les pauvres et les petits sont un élément capital selon le comportement de Jésus lui-même.

-  La diaconie comme conversion ecclésiologique de nos institutions pour accueillir les pauvres dans ce qu’ils sont et tous les hommes selon leur identité. Ce qui met en demeure de conversion tous ceux qui exercent quelque pouvoir et autorité, y compris dans l’Église, bien sûr.

-  La diaconie comme perspective pastorale et sociale de l’Église, appelant les plus pauvres, en culture, en relations sociales, en pouvoir économique même à être reconnu fils de Dieu, frères et acteurs dans la pastorale et l’animation des communautés. Le SAPEL a proposé un chemin de croix pour tous le vendredi saint, des exclus participent en responsables aux activités des communautés.

Je me permettrai de souligner ici l’exigence d’humilité qui habite la charité et son expression dans la diaconie. Le risque est grand, en effet aujourd’hui, de faire de l’écoute de la parole des pauvres dans nos programmes une pédagogie sinon une stratégie pour valoriser notre action et faire entendre nos discours. Veillons à ne pas instrumentaliser ce que nous appelons la parole des pauvres. Tant dans les mouvements, les paroisses, les organisations ou les relations ; cela touche à l’intime de nos consciences, en particulier à notre pouvoir culturel et institutionnel qui parfois reproduit les rigueurs et même les revendications de puissance de la société bureaucratique. Il n’y a pas de témoignage diaconal sans cette générosité du cœur, ce décentrement de l‘esprit qui ébranlent les frontières de nos chapelles et de nos œuvres. Comme l’a remarqué un théologien précédemment :
. « Il s’agit, à travers ces engagements mais aussi la vie quotidienne, de convertir toutes nos relations-proches et lointaines- à la lumière de l’Évangile, y compris de ceux qui ne partagent pas notre foi. Il en découle que, dans l’Église, nul ne peut s’approprier la diaconie en disant : « C’est mon affaire », puisque c’est l’affaire de tous. » Et pour aller au fond des choses, ce même théologien ajoute : « La rencontre avec les plus pauvres nous amène ainsi à souligner la dimension théologale de la diaconie, qui n’est pas une simple conséquence de la foi, mais qui se situe en son cœur comme son « terreau ». Servir la charité par la diaconie n’est pas alors seulement un devoir éthique mais, de manière plus profonde un rendez-vous avec le Christ. » Documents-épiscopat n°4/2013 p. 10-11.

En ce sens, nous avions évoqué à la fin du colloque de Lyon des pistes de travail pour traduire la diaconie dans le quotidien. Un bon exemple nous en a été donné dans la revue Médecine de l’Homme (n°7, mars 2012), à propos de la relation médecin-malade, suggérant en attitude diaconale de dépasser le cas technique pour rencontrer la personne en état de faiblesse. Nous aurions beaucoup à dire à ce même sujet dans tout ce qui concerne l’école, depuis la place des handicapés dans le système scolaire jusqu’à la compétition-exclusion comme système pédagogique, qui transforme les élèves-compagnons en adversaires, quelle peut être l’attitude diaconale et fraternelle de l‘enseignant. Dans l’entreprise, nombreuses sont les relations de compétition ou de conflits d’intérêts qui marginalisent les moins performants, quelle peut-être la qualité diaconale du chef d’entreprise. Il n’est pas jusqu’à la famille, et au couple même, où le respect des limites de l’autre, sinon de ses pauvretés appelle une proximité fraternelle en dépassant les rapports de domination et parfois de nos jours de violence. Mais il en va aussi de même dans les associations catholiques et les paroisses marquées par le fonctionnement anonyme des bureaux administratifs, où la volonté de puissance l’emporte sur la relation diaconale au frère qui vient demander un service.

En d’autres termes, si nous allons jusqu’au bout du sens fraternel de la diaconie nous voyons qu’elle nous offre la perspective d’une autre forme de vie sociale au nom de l’Évangile. Et cela pour construire le vivre ensemble sur la solidarité. Reconnaître en tout autre une personne, proche et fraternelle, c’est penser la socialisation comme une harmonie des différences et non un alignement dans l’uniformité par ressemblance avec les pouvoirs dominants. Il y a là une volonté de reconnaître en tout autre un principe de vie, de parole, d’action et de dialogue. Le tissu social qui en résulte prend en compte la vision évangélique qui voit en l’autre un équivalent de moi-même en dignité et spiritualité. Or ce principe chrétien se retrouve dans l’idéal démocratique, comme le pensait déjà le futur Pie VII en 1784, qui à la veille de la Révolution française estimait que le démocratie était la forme de gouvernement la plus proche de l’Évangile.! La diaconie comme la vraie fraternité suppose une attitude profonde d’ouverture et de service, elle est faite d’une dépossession de soi-même, d’un décentrement culturel dont nous percevons les difficultés dans notre confrontation actuelle avec les sociétés arabes ou islamiques. Et nous découvrons les effets politiques de la diaconie. Il ne suffit pas d’inscrire la fraternité sur le fronton des bâtiments publics. Le spirituel déborde sur le social et sur le politique.

Dans l’Église nous avons souvent à la bouche le mot de service, mais il n’est pas toujours clair qu’il soit compris en termes de diaconie et de fraternité. Trop souvent nous réduisons la charité chrétienne aux règles et aux nécessités du fonctionnement. Servir la fraternité est autant une attitude intérieure qu’ une qualité de foi. Mettre nos pas dans ceux du Christ, c’est certes imaginer son visage dans toutes les composantes éthiques de notre société, y compris sans attaches chrétiennes, mais c’est aussi se souvenir que les béatitudes de l’Évangile sont le premier palier de notre relation à Dieu. C’est ainsi qu’il me souvient d’avoir entendu G. Guttierez nous expliquer comment la parole des paysans et des communautés des favellas avait reconstruit à neuf la parole d’Église et une vie de communauté humaine en Amérique latine, elles partaient de l’évangile relu ensemble et non du transfert d’un savoir théologique venu d’Europe. Il y a là des avenues nouvelles pour nos engagements dans l’amour et le service.

Tout ceci nous montre que nous ne sommes pas réunis ici pour une simple tâche d’évaluation ou de reprise de la démarche de diaconia 2013, mais pour « transformer le monde et illuminer le temps » en assignant à notre Église sa tâche naturelle de se recréer par la créativité spirituelle et l’action des hommes. En ce sens, seule l’écoute de ceux que l’on appelle des pauvres et de nos diverses expériences de pèlerinage avec eux offrira le terreau de notre recherche. Nos frères humains, souffrants, sont le visage du Christ et c’est dans une profonde fraternité que nous allons faire corps avec eux en peuple de Dieu. Accueillons-les, ils viennent évangéliser notre Église.

Enfin, depuis la venue Pape François nous sommes sensibilisés à ce qui se vit dans les périphéries, et il n’a pas craint de fustiger notre « narcissisme intellectuel » qui conduit à penser pour nous-mêmes par nous-mêmes et à ne prendre en compte que ce qui correspond à notre langage habituel. J’ai lu quelques critiques en ce sens à propos de certains propos tenus lors de la rencontre de Lourdes, quelques-uns y ont aperçu une Eglise qui ne parlerait qu’à elle-même ! Non, il importe que ce colloque nous donne l’occasion de nous étonner réciproquement et que « la parole des pauvres » ne soit pas entendue seulement quand elle consonne avec nos générosités de riches en Église. Comme le dit la revue Projet (n° 329, août 2012), la fraternité est une contre-culture, elle demande d’écouter ce qui vient d’ailleurs, c’est dire que nous sommes mis en demeure d’accueillir et d’entendre en frères la parole des autres dans leur altérité. Nul n’a le monopole de la vraie diaconie.

Pour cette rencontre, il résulte que la diaconie ne sera pas seulement un thème de travail, un lieu de débats, mais le style même de notre démarche, elle inspirera, je le souhaite, l’esprit de nos relations durant ces journées. Ici, il n’y a pas de maitres mais seulement des témoins de la diaconie en acte dans la vie de nos sociétés que l’on dit en crise. Nous voulons contribuer à réinscrire la fraternité dans les gènes du baptisé, du catholique de France et en faire la référence essentielle de notre dialogue avec tout homme et le tout de l’homme.

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