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Cardinal MARADIAGA : « La charité catholique n’est pas une simple philanthropie »

12 décembre 2012
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Dans un interview pour le journal La Croix, en date du 11 décembre 2012, Le cardinal Oscar Maradiaga, président de Caritas Internationalis depuis 2007, analyse le motu proprio publié par Benoît XVI le 1er décembre, visant à préciser le caractère propre de la charité mise en œuvre par les catholiques. Cet ardent défenseur des droits de l’homme, d’origine hondurienne, rappelle notamment que « la charité est une exigence de la foi » .

Entretien recueilli par Frédéric Mounier. La Croix, 11 décembre 2012, p. 18.

Comment lire le récent motu proprio de Benoît XVI rappelant aux évêques les conditions d’exercice de la charité des catholiques ?

Cardinal Oscar Maradiaga : Je pense que ce document est positif. Parce qu’il est nécessaire aujourd’hui de rappeler à certains évêques, dans certains pays, de prendre à cœur le service de la charité dans le monde. Pour certains, ce service ne fait pas partie de la nouvelle évangélisation. Mais, surtout après le récent Synode, on a bien compris que, comme l’avait déjà affirmé Paul VI, l’évangélisation n’est pas complète si les catholiques n’agissent pas dans le domaine de la promotion humaine.

On a pu constater une certaine tendance selon laquelle le social relevait du gouvernement, tandis que le spirituel relevait de l’Église. Mais il s’agit alors d’un spirituel singulièrement désincarné ! Je lis donc ce motu proprio comme un appel aux évêques pour qu’ils prennent en compte le fait que le service de la foi doit passer par le service de la charité.

Benoît XVI a souvent souligné le caractère propre de la charité catholique. Comment le comprenez-vous ?

La charité catholique n’est pas une simple philanthropie, une sorte de tranquillité pour la conscience. Elle est une exigence de la foi. Si je suis croyant, je ne peux me retrancher dans ma tour d’ivoire, mais je dois être là où les hommes ont faim et soif, là où ils souffrent de la guerre, de la pauvreté, du mal-être. Le véritable chrétien ne peut rester indifférent.

À Caritas ­Internationalis, nous ne sommes pas seulement une organisation philanthropique. Nous pratiquons la foi en action, qui se nomme la charité. Cette charité-là ne demande rien en échange, ne se limite pas aux demandes d’un secteur de la population. Parce qu’il s’agit d’êtres humains, nous pensons que partager tous les biens, pas seulement les biens matériels, est une exigence de l’Évangile.

Vous n’en attendez aucune conversion, aucun « retour sur investissement » ?

Nous ne pratiquons pas le prosélytisme. Par exemple, dans un pays africain, tous nos collaborateurs sont musulmans, sauf le directeur, qui est catholique. Et cela fonctionne parfaitement. Nous ne pouvons absolument pas imaginer, à travers nos actions de charité, favoriser les « nôtres ». Nous agissons ainsi simplement parce que l’amour du Christ ne connaît pas de limites.

Rome insiste sur les conditions éthiques de la collaboration avec les organisations internationales…

Dans un autre domaine, les investissements financiers, l’Église appelle, depuis longtemps, à les choisir en fonction de critères moraux : par exemple ne pas investir dans des entreprises qui font le commerce des armes, qui sont corrompues, etc. Chacun sait que l’argent doit connaître des limites et ne pas mettre en péril la dignité de la personne. Je pense que le motu proprio appelle simplement à un discernement et à un dialogue avec les organisations internationales qui peuvent financer des mouvements et services d’Église, alors que, par ailleurs, certaines de leurs valeurs ne sont pas compatibles avec nos principes, concernant notamment le respect de la vie.

Par exemple ?

Je pense qu’il nous faut être clair et dire que nous ne sommes pas d’accord, par exemple, avec la promotion de l’avortement, parce que nous considérons que c’est un crime. Il nous faut dialoguer et discerner.

Par exemple, lorsque je présidais le Conseil épiscopal latino-américain (Celam), nous avons eu des tensions avec le Saint-Siège à propos d’un programme mené avec les Nations unies. Il s’intitulait Sport pour la vie, et organisait des compétitions sportives pour les jeunes. Rome nous disait que nous ne pouvions pas travailler avec eux parce qu’ils faisaient la promotion du préservatif. Donc, nous avons dialogué, un représentant du Saint-Siège est venu et a constaté que ce programme visait à la promotion de la vie et n’avait rien à voir avec le préservatif. Je pense que le dialogue est toujours le chemin pour aboutir à de bons résultats.

Même à propos de la « santé reproductive », notion promue par les organisations de l’ONU, à laquelle Rome est très opposée ?

Je dis clairement que cette notion de « santé reproductive » est un piège. Derrière un masque positif se cache l’avortement, qui est l’inverse de la santé. Je crois qu’il faut être vraiment clair : l’avortement est un crime et nous ne pouvons pas en faire la promotion. Une véritable politique de santé ne peut dire non à la vie à travers l’avortement.

Dans les pays du Nord, les Caritas ne travaillent pas seulement avec des catholiques…

Depuis les origines, le christianisme consiste à apporter des réponses, des témoignages. C’est ainsi que, partout où il avait été interdit, le christianisme a pu se diffuser : « Voyez comme ils s’aiment. » Aujourd’hui, le témoignage de la charité peut dire quelque chose de nos valeurs.

N’êtes-vous pas parfois tenté par le découragement ?

Non, parce que je vois bien qu’en dépit de l’énormité des problèmes, il existe tant de signes positifs. Ainsi en Espagne, la Caritas est très active, avec 60 000 bénévoles, 6 000 paroisses engagées dans la lutte contre la pauvreté, qui distribuent un million de repas par jour. Pour beaucoup de bénéficiaires, c’est le seul repas quotidien. En Catalogne, en dépit de la crise, ils sont 4 000 bénévoles, et les dons à la Caritas augmentent…

Recueilli par Frédéric Mounier (à Rome)

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