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Habitants des bidonvilles en France. Enquête décembre 2016

23 janvier 2017
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Une enquête-recherche-action, de l'association Trajectoires, squats et bidonvilles, qui cherche à connaître les parcours des habitants des bidonvilles et leur accès au droit commun. Cette enquête s'intéresse, en particulier aux Roms et aux possibilités d'accompagner ou pas leur parcours.

Habitants des Bidonvilles en France

Connaissance des parcours et accès au droit commun

Recherche  - Action

Décembre 2016

Avec le Soutien de la FONDATION CARITAS et du Secours Catholique

SYNTHESE

Comme le rappelle la Délégation Interministérielle à l’hébergement et à l’accès au Logement, « en France, entre 15 000 et 20 000 personnes vivent en campements illicites et bidonvilles. Elles sont pour la plupart migrants intra-européens originaires de pays membres de l’Union européenne.  Ces formes d’habitats particulièrement indignes et souvent dangereuses, installées sans droit ni titre sur des espaces publics ou privés, soulèvent des questions liées à l’ordre public, à la sécurité des personnes et à l’accès aux droits fondamentaux ». C’est à travers l’activité de diagnostic que mène l’équipe de Trajectoires, qu’elle a pu observer le parcours de 899 personnes, vivant ou ayant vécu en bidonvilles, en France. Cet échantillon de 245 ménages représente 5% de ce public[1] et permet d’établir des tendances significatives quant à la connaissance de ce public[2]. En France c’est la première fois qu’un travail de récolte de données aussi important a été mené auprès de cette population (dite « Rom ») qui demeure très mal connue et dont l’accès aux droits fondamentaux (droit à l’éducation, à la santé, etc.) reste très partiel.

Une spécificité à relativiser : la migration familiale

L’une des caractéristiques des habitants des bidonvilles originaires des pays de l’Est est l’aspect familial de la migration, loin du profil majoritaire du migrant économique, homme seul âgé entre 18 et 35 ans. Dans notre échantillon, 2/3 des personnes en bidonville sont venus avec enfants (3,16 en moyenne).

L’étude montre que cette spécificité attribuée aux populations roms d’Europe de l’Est, n’est pas liée nécessairement à un fonctionnement « culturel ». En fonction des pays de destination, la migration familiale est variable. Elle s’explique surtout par des facteurs externes tels que les conditions d’accueil des pays de destination, les besoins en main d’œuvre, le faible coût du transport et l’absence de barrières administratives.

Des facteurs locaux prépondérants

Le principal enseignement de ce travail d’analyse est qu’il n’y a pas de corrélation directe entre des facteurs structurels tels que le faible niveau scolaire, l’absence de qualification, la pauvreté et la décision d’émigrer.  Le profil des personnes qui décident de partir est variable en fonction des périodes. Il est conditionné par des facteurs locaux propres. Dans notre échantillon, 84% des personnes vivant en bidonvilles sont originaires de 6 judeti[3] roumains par nécessairement parmi les moins développés économiquement.

Si l’on se fonde sur l’analyse de notre échantillon nous pouvons établir une typologie des raisons du départ. 

Les migrants économiques possèdent une qualification professionnelle qui leur permet de s’insérer professionnellement. Il s’agit surtout de personnes provenant de l’Ouest de la Roumanie notamment des jud. d’Arad et de Timis qui possèdent un niveau d’étude  fin de collège ou davantage. Les adultes ont une qualification professionnelle les rendant directement employables (bâtiment, mécanicien, etc.). Elles représentent environ 15% de notre échantillon.

Les exilés : il s’agit de personnes qui proviennent de localités dont plus de la moitié de la population a migré. Les facteurs ayant provoqué le départ sont de deux ordres :

  • un taux de chômage de près de 90% : conséquence d’une spécialisation ethnique liée à une activité traditionnelle ou à la présence d’un combinat[4] ayant fermé à la chute du communisme,
  • une pollution durable rendant impropre à la consommation des produits de base.

Dans notre échantillon, cette catégorie représente près de 17%.

Les ostracisés, provenant surtout des judeti de Salaj et du Maramures, n’ont pas réussi à s’insérer dans les centres urbains après leur exode rural. Ils font l’objet localement de politiques discriminatoires qui visent à les exclure de certains quartiers et/ou à les empêcher d’accéder au même système éducatif et de santé que les roumains. Ils représentent dans notre échantillon près de 39%. Cependant, d’après, les recoupements que nous avons effectués avec les autres régions (Ile de France, Rhône Alpes, etc.)  leur présence en France, serait moins importante que dans notre échantillon.

Les autonomes, correspondent à des groupes dont la mobilité professionnelle est ancienne et qui cherchent à maintenir des règles communautaires strictes (endogamie, contrôle des femmes, régulation interne des conflits). La migration correspond essentiellement à la recherche de nouvelles opportunités économiques en évitant toute forme de contrôle sociale qui viendrait remettre en question les règles internes au groupe. Dans notre échantillon, ces personnes représentent près de 14%. 

Les autres, en dehors de ces grandes catégories, il existe de nombreux autres motifs propres à toutes les migrations ayant conduit au départ : mariage, divorce, enfants malades, accès à l’éducation, etc. Certaines de ces motivations peuvent se retrouver individuellement au sein des différents types. Ils relèvent cependant davantage de stratégies individuelles que d’une dynamique de groupe que nous avons cherché à saisir à travers cette étude. 

Le difficile accès aux premières marches de l’insertion

Les habitants, que nous avons rencontrés, ont fui, certains définitivement, d’autres temporairement, la misère économique. L’un de leurs premiers objectifs est de générer des revenus permettant de subvenir aux besoins immédiats, et d’envisager un avenir plus serein, en France ou dans le pays d’origine. La perspective d’un emploi légal, demeure pour beaucoup le but mais le chemin est long, les obstacles administratifs nombreux. La domiciliation est une des clés de transition vers le droit commun. Dans notre échantillon, seulement, 73% des ménages possèdent une domiciliation et 55% ont des droits ouverts ou en cours de renouvellement à l’assurance maladie. Derrière ces chiffres apparaissent  des disparités territoriales très marquées.

Des activités de survie à l’insertion professionnelle : peu d’élus

Pour les plus fragiles ou les personnes les plus éloignées de l’emploi qui représentent la majorité de notre échantillon, sans formation ni compétences particulières, l’accès direct au marché de l’emploi “ordinaire” est rare. Le passage par les contrats d’insertion professionnelle est alors une étape incontournable. Or, les dispositifs spécifiques ou dédiés[5] mis en place pour résorber les bidonvilles touchent peu ce public en raison de critères de sélection basés sur un niveau de qualification et de français relativement élevé.    « Faire de l’argent » devient l’objectif principal, il est alors difficile pour ces personnes de se projeter dans autre chose que des activités de débrouille économique.

Un accompagnement de plus en plus inadapté

Face aux expulsions répétées de leurs lieux de vie, face aux obstacles administratifs, les personnes s’épuisent et se renferment. Elles adhèrent de moins en moins aux discours des accompagnants sociaux et se recentrent sur leurs besoins primaires et des fonctionnements communautaires. Les stratégies migratoires ne visent plus nécessairement l’installation. Les allers-retours entre la France et le pays d’origine se multiplient rendant toute forme d’accompagnement social classique impossible.

Les enfants et l’école : une situation alarmante

La route vers la scolarisation des enfants vivant en bidonville est longue et complexe. Les raisons de la déscolarisation sont multiples et l’environnement local[6] joue un rôle déterminant. Dans notre échantillon, le taux de scolarisation est de 49%. Notre travail met en lumière que lorsque des dysfonctionnements apparaissent, ils ne sont pas d’ordre culturel. Encore plus inquiétant, notre étude met en lumière un taux de 30% d’enfants jamais scolarisés[7] qui s’explique, entre autre, par des processus de ghettoïsation et/ou d’installation dans une migration familiale pendulaire.

Ces situations de déscolarisation ou d’absence de scolarisation semblent totalement ignorées par les pouvoirs publics. Il y a donc urgence à agir mais aussi à innover. Il faut sortir de l’approche actuelle définitivement trop généraliste, qui laisse de côté les plus précaires, les plus vulnérables à toute forme d’exploitation. Cela passe par un travail avec les pays d’origine au niveau local, non pas dans une logique de gestion des flux migratoires, mais pour comprendre et organiser un suivi social  transnational dans l’intérêt des plus fragiles.

Vous pouvez retrouver la totalité de l'étude dans le pdf ci-dessous.

 

[1] Ce travail a été mené après la fin des mesures transitoires. Entre le 1er janvier 2007 et le 31 décembre 2013, en application du protocole de mise en œuvre du traité d'adhésion de leurs pays, les ressortissants roumains et bulgares ont dû passer par la procédure de l'autorisation préalable de travail pour occuper un emploi salarié. Ce que l’on a communément appelé la “période transitoire” ou les “mesures transitoires”

[2] D’un point de vue géographique, afin de rendre compte de la diversité de contextes pouvant influer sur les parcours, la collecte de données a été réalisée sur 10 terrains dans 4 régions différentes et ce pendant près de 3 ans

[3] Terme qui signifie département

[4] Usine ou ferme d’Etat

[5] Il s’agit de programmes ou projets dédiés exclusivement aux populations vivant en bidonville.

[6] Par environnement local, il faut entendre la dimension sociologique des familles, l’impact des politiques (Préfecture, Région, Département, Commune) et le maillage des acteurs associatifs.

[7] Jeune qui n’a jamais été scolarisé, ni en France, ni ailleurs.


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