Mi-temps mi-carême
Jean RODHAIN, « Mi-temps, mi-carême », Messages du Secours Catholique, n° 172, mars 1967, p. 8.[1]
Mi-temps mi-carême
Mi-temps ?
Dans ce match, on vient de siffler la mi-temps. C’est le temps de souffler et de tirer les leçons du jeu engagé afin de prévoir comment gagner.
Mi-carême
Dans ce match contre mes habitudes, voici la moitié accomplie. J'ai appris à faire équipe avec des inconnus J'ai osé me priver d’un tabac dont j'étais esclave. Il n’y a pas de quoi crier victoire. J'entreprends avec plus de calme la seconde mi-temps. Pâques prend cette année, pour moi, un air de fête. Je gagnerai.
Mi-Longueur ?
Au tiercé, mon cheval a gagné d'une demi-longueur. Comme j’avais joué dans l'ordre, cela m’a fait, net : 541 nouveaux francs. Cela compense ce que j’ai perdu depuis deux mois. Au total, ce tiercé me coûte, part de l’État comprise, bon an mal an, plus de... ; je n'ose pas l'écrire.
Mi-carême
Carême ose l'écrire : mes tiercés me coûtent la ration de riz de dix enfants pendant un an.
Carême dure quarante jours.
Carême est impitoyable de précision. Carême n’a plus sa figure de jeûne et de maigre, il s'est modernisé. Carême utilise la machine à calculer. Carême examine mon porte-monnaie. Carême note mes paquets de « gauloises » et marque combien je réserve pour le partage.
Mi-Carême arrive avec ses masques. il repart en enlevant le mien. Quel est mon visage sans masque lorsque me regarde celui qui vient là-bas pour compter les talents qu'Il m’avait confiés ?
Mi-chemin ?
Dans cette route si dure, j’arrive enfin à la moitié. Arrêt pour calculer l'effort qui reste à faire. Ave une pointe de joie : le plus difficile avait été de se mettre en marche.
Mi-carême
Cette route vers Dieu n'est que zigzags. Et à chaque étape, le paysage se découvre mieux. Le virage du mercredi des Cendres me paraissait jadis funèbre. Ces quarante jours de rocaille me réveillent dur. Avant, je somnolais sans m'en douter. Mi-carême est une halte. On ne fait connaissance d'un ami qu'en cheminant longuement près de lui.
Qui sait si je ne suis pas sur la route d’Emmaüs ? A mi-chemin de la rencontre avec Celui qui m’attend dans la lumière de Pâques.
[1] Article non signé, mais formellement identifié Jean Rodhain par Françoise Mallebay.