Noël Présence du pauvre
Jean RODHAIN, « Noël, présence du pauvre », Messages du Secours Catholique, n° 180, décembre 1967, p. 3.
Noël Présence du pauvre
En temps de guerre, il arrive parfois que médecins et chirurgiens sont accablés de travail dans l'hôpital central.
Le sergent infirmier restera seul pendant toute la nuit dans le poste de secours avancé. Il sait qu’il devra faire face au cas le plus douloureux, sans pouvoir attendre une délibération.
Ils sont légion ces infirmiers. D’autres peuvent discuter de problèmes profonds et conférer en conférences multiples et se poser des questions. Mais eux ont des réponses qui n’attendent pas. C’est un problème de vie ou de mort. Il faut du lait pour dix mille enfants de Jordanie. Il faut tout de suite des médicaments pour ces gens écrasés sous les bombes en Extrême-Orient.
D’un côté, tant de paroles, et tant de conférences. Et de l’autre côté, les Pauvres qui se taisent.
Noël, silence du Pauvre.
Même si vous augmentez le niveau de vie pour tous. Même si vous réussissez à développer intégralement le Tiers Monde. Même si, sur toute la terre, tous les hommes sont enfin enrichis, et qu’il ne reste plus qu’un seul et unique homme pauvre, je sais bien ce qui arrivera : cet homme pauvre passera avant tous les autres pour entrer au ciel. Le Christ le tire déjà à Lui, ce premier de cordée. Comme le Bon Larron fut introduit le premier, le soir même, en Paradis. Il y a entre le Christ et le Pauvre une telle connivence, une telle concordance, une telle attirance, que le Pauvre a toutes les préséances : le berger arrive le premier à la crèche comme le larron arrive le premier au soir du vendredi. Le Pauvre occupe la place privilégiée aussi bien à l’Incarnation qu’à la Rédemption. C’est comme cela. Je n’y peux rien.
Noël, préséance du Pauvre.
Il est né le Divin Enfant...
« Des bergers dans les champs ». Dans les champs entre Bethléem et les monts de Moab, il y a combien de femmes et d’enfants à grelotter de froid sous leurs tentes de réfugiés en ce Noël 1967 ?
« Des Mages venus d'Orient ». Ils viennent de quel Orient ? De Hanoï ou de Calcutta ? Et de quels présents la guerre et la faim les ont-ils chargés en ce Noël 1967 ?
« Ils trouvèrent Marie et l’enfant. L’enfant, il en est question à chaque page dans le journal de ce matin : L’enfant du bidonville incendié. L’enfant abandonné par la vedette divorcée. L’enfant sans pain. A l’époque des records olympiques et lunaires il y a sur terre des millions d’enfants qui ont faim. Et cet enfant que j'entends tousser si fort ce soir, de l’autre côté de ma cloison, je ne sais même pas son nom. Pauvres enfants.
Noël, présence du Pauvre.
Divin Enfant que j’adore en sa Nativité, ouvrez-nous les yeux en ce Noël 1967 : Noël, présence du Pauvre.
Jean RODHAIN.