Programme du colloque 2022
PROGRAMME
Après-midi du vendredi 25 novembre 2022
« La société considère trop souvent la souffrance de l’auteur d’un crime ou d’un délit comme la seule réponse/réparation possible face à la douleur de la victime. Sans doute influencée par une conception doloriste du christianisme, elle va même parfois jusqu’à considérer l’expérience de la souffrance comme une expérience salvifique pour l’auteur lui-même. L’utilisation courante du mot peine pour nommer la punition infligée à l’auteur d’un délit ou d’un crime est symptomatique de cette conception. Or, cet accent excessif mis sur la souffrance nuit à l’estime de soi qui est un préalable nécessaire au relèvement et à la remise en marche des personnes. »
13h30 : accueil
14h00 – 14h10 : Ouverture par Jean-Charles Descubes, président de la Fondation Jean Rodhain
1ère séquence : Le constat d’une peine génératrice de souffrance et qui casse
14h10 – 15h00 : présentation du rapport du Secours catholique sur la pauvreté en prison (30’/20’)
Jean Caël, directeur du département justice-prison + deux personnes ayant connu la détention
Il y a un an, le Secours catholique publiait un rapport sur la pauvreté en prison. Celui-ci montrait combien la prison casse et ne permet pas à la personne de retrouver une place dans la société, un projet de vie. Présentation de ses principales conclusions par Jean Caël, responsable du département justice-prison du Secours catholique et deux personnes ayant fait l’expérience de la détention.
15h00 – 15h50 : apport sur les mécanismes de la souffrance en prison (30’/20’)
Sr Anne Lécu op, médecin en milieu carcéral, théologienne et essayiste
Parler de souffrance en prison, c’est reconnaitre qu’il y a dans ce lieu des mécanismes qui provoquent cette souffrance. On peut penser au mitard, au maintien en isolement, etc. Ces mécanismes sont générateurs de chaos, de violence et de souffrance. Eclairage sur ces mécanismes en vigueur en prison qui brisent et laissent entendre que la souffrance est, sinon voulue comme telle, au moins "utilisée".
15h50 – 16h10 : pause (20 minutes)
2ème séquence : Une association problématique entre souffrance et rédemption
16h10 – 17h00 : Apport anthropologique sur l’association entre souffrance et rédemption (30’/20’)
Philippe Pottier, anthropologue, directeur pénitentiaire d’insertion et de probation, ancien directeur de l’ENAP
L’association entre souffrance et rédemption imprègne fortement les mentalités. Celle-ci ne relève-t-elle pas d’abord et avant tout d’une forme de "religion naturelle" ? Quels sont les fondements et ressorts anthropologiques de cette association entre souffrance et rédemption ? Etc.
17h00 – 17h50 : Apport biblique sur l’association entre souffrance et rédemption (30’/20’)
P. Eric Morin, Enseignant aux Bernardins, Directeur du Service Biblique Catholique Évangile et Vie
Apport biblique sur le lien entre souffrance et rédemption, à partir par exemple de la première lecture du serviteur souffrant (Isaïe 53) et du récit de la passion (« Ne fallait-il pas que le Christ souffrît cela pour entrer dans sa gloire ? »). Comment l’anthropologie biblique se situe-t-elle par rapport au lien entre souffrance et rédemption ? Permet-elle de la valider ou au contraire de le contester ? Etc.
17h50 – 18h10 : pause (20 minutes)
3ème séquence : Souffrance et rédemption dans la théologie chrétienne
18h10 – 19h00 : Souffrance et rédemption : éclairage de la théologie (40’/20’)
Albert Evrard sj et Aude Bernard-Roujou de Boubée, Institut catholique de Toulouse
Est habituellement assignée à la peine une double fonction de répression et de resocialisation du délinquant qui après l’avoir purgée revient dans la société. Quant à la compensation en argent, y est assignée la réparation du préjudice (physique, matériel ou moral). A cela s’ajoute que la poursuite pénale, jointe à l’action de la victime, présente également un caractère vindicatif plus ou moins marqué. Le châtiment du coupable serait susceptible d’apaiser sa douleur et de rétablir la paix dans la société. Dans ce contexte, la charité chrétienne (caritas) invite à repenser la manière dont le temps du procès, de la peine et de la sortie du monde judiciaire et carcéral sont vécus, préparés et organisés, tant pour l’auteur que la victime. En prenant l’exemple du détenu âgé ou très âgé, on se demandera si les présupposés d’une justice tels qu’exposés plus haut, ne doivent pas céder le pas à une justice ayant en son coeur la charité, seule capable de convertir toute victime et tout auteur. On se demandera aussi comment pareille justice rencontrerait ou non les exigences des droits humains actuels rapportés au monde carcéral.
19h00 – 20h30 : apéritif brise-glace
20h30 – 21h30 : diner
21h30 – 22h20 : Approche historique de la peine (30’/20’)
Alexandre Duval Stalla, avocat au barreau de Paris et professeur à l’Institut d’études politiques de Paris
Dans la sanction pénale, l’articulation du couple souffrance/rédemption a évolué au fil du temps. La souffrance a-t-elle toujours été considéré comme devant jouer un rôle dans la peine ? De quelle manière ? Quels enseignements ? Où en est-on aujourd’hui ? Etc.
Matinée du samedi 26 novembre 2022
1ère séquence : Qu’est ce qui, dans la sanction, peut relever et rendre acteur ?
« Un changement de paradigme apparait aujourd’hui nécessaire pour désolidariser la notion de punition de celle de violence infligée. Substituer au terme peine le terme de sanction peut y contribuer. S’il comporte l’idée d’un obstacle, d’un non catégorique prononcé devant un comportement inadmissible, le mot sanction ouvre, contrairement au mot peine, la possibilité d’un chemin. Si subir une souffrance maintient dans une forme de passivité, se voir signifier un non peut rendre actif. Face à l’évènement que constitue ce non, la personne est appelée à mobiliser ses forces et à s’auto déterminer. Ainsi conçue, la punition acquiert une toute autre dimension et la manière de la vivre se trouve radicalement bouleversée. Là où, comprise comme une peine, la punition condamne le présent à l’inutilité, à une forme de stérilité, comprise comme une sanction, elle fait de ce présent de la détention un temps de passage, utile et potentiellement fécond. »
07h00 – 07h45 : petit déjeuner
08h00 – 09h00 : départ vers l’Université catholique (en car ou transport en commun)
(Des petits groupes seront créés et des guides désignés pour le trajet)
09h00 – 09h30 : introduction philosophique sur le nécessaire passage de la peine à la sanction
Alain Cugno, philosophe, enseignant au Centre Sèvres – facultés jésuites de Paris
Un changement de paradigme apparait aujourd’hui nécessaire pour désolidariser la notion de punition de celle de souffrance volontairement infligée. Réfléchir en termes de sanction plutôt qu’en termes de peine peut y aider. Dans ce changement de paradigme, la souffrance ne doit pas être niée mais remise à sa juste place.
09h30 – 10h30 : Dans la sanction, qu’est ce qui relève l’auteur et le rend acteur ? Témoignages
Karim Maloum, en dialogue avec Jean-François Penhouet, ancien aumonier général des prisons
Si subir une souffrance maintient dans une forme de passivité, se voir signifier un non peut rendre actif. Face à l’évènement que constitue ce non, la personne est appelée à mobiliser ses forces et à s’auto déterminer. La punition acquiert une toute autre dimension et la manière de la vivre se trouve radicalement bouleversée. Témoignages de personnes ayant une expérience en ce sens.
10h30 – 10h45 : temps de battement (15 mn)
10h45 – 11h45 : Visite de l’ancienne prison Saint Paul
Origami Architecture (3 groupes de 25 personnes)
11h45 – 12h15 : transfert vers le campus Carnot
12h15 – 13h15 : déjeuner
Après-midi du samedi 26 novembre 2022
2ème séquence : Entendre la parole de l’infracteur
« Le système judiciaire et l’administration pénitentiaire ont pour objectif la réinsertion des personnes dans une logique de lutte contre la récidive et visent à ce que la personne ne fasse plus parler d’elle. Or, si la lutte contre la récidive est un objectif louable, limiter la réinsertion à cet objectif semble un horizon bien peu ambitieux. Le véritable objectif serait d’ouvrir un chemin vers une authentique réconciliation qui permette de rétablir du lien entre auteur, victime et société.
L’infracteur retrouvant un droit à la parole est alors un acteur de ce rétablissement. Toute loi est objet d’interprétation ; les articulations entre appareil législatif, appareil judiciaire et administration pour produire et exécuter la sanction la mieux adaptée à celui qui l’exécute, à la victime, et à la société méritent d’être discutées. Dans ce débat, même la parole de l’infracteur doit être entendue. »
13h15 – 14h30 : la parole de l’infracteur : comment les appareils législatifs, judiciaires et administratifs y font face ?
Intervenants à confirmer
Toute loi est objet d’interprétation ; les articulations entre appareil législatif, appareil judiciaire et administration pour produire et exécuter la sanction la mieux adaptée à celui qui l’exécute, à la victime, et à la société méritent d’être discutées. Dans ce débat, même la parole de l’infracteur doit être entendue.
14h30 – 15h30 : La parole de l’infracteur et celle de la victime dans la justice restaurative
Benjamin Sayous, directeur de l’Institut Français de la Justice Restaurative
La sanction ne concerne pas seulement l’infracteur mais aussi la victime et la société. La justice restaurative qui met l’accent sur la gestion concrète des conséquences matérielles et relationnelles de l’infraction honore cela. Quels enjeux de ce dialogue entre auteur et victime ? Quels défis ? Etc.
15h30 – 16h00 : pause (30 minutes)
16h00 – 18h00 : ateliers forum
Approfondissement des débats à partir d’expérience concrètes.
- L’expérience de la ferme Emmaüs Baudonne (Gabriel Mouesca) ;
- L’expérience du chemin de Compostelle (Patrice Sarrazin) ;
- Une équipe de rugby en détention (Karim Maloum) ;
- Célébration religieuse en prison et sens de la fraternité (Tanguy-Marie Pouliquen et Marie-Christine Monnoyer)
- La Communication Non Violente en milieu pénitentiaire (Guillemette Porta) ;
- Témoignage d’un personnel soignant sur son expérience en détention (intervenant à confirmer)
- Une chorale mixte en détention (Roselyne Tirtaine) ;
- L’expérience d’un enseignant en détention (Michel Krupka)
- Focus sur l’expérience du programme de ré-autonomisation de Caritas Allemagne
18h00 : départ pour Valpré
20h00 : diner
21h00 : « le procès Hamel : un procès chrétiennement exemplaire »
Guillaume Goubert, journaliste à La Croix, ayant suivi l’intégralité du procès
Guillaume Goubert a suivi le procès des auteurs de l’attentat de Saint Etienne du Rouvray. Peut-on parler de procès chrétiennement exemplaire ? Comment se situe le journaliste dans un procès dont il rend compte ? Quel impact personnel pour l’observateur de ce procès ? Etc.
Dimanche 27 novembre 2022
La Fondation Jean Rodhain promeut la réflexion théologique et spirituelle sur la charité et s’efforce de susciter une recherche fondamentale pour fonder et accompagner l’action caritative de l’Eglise. Ses colloques ont pour vocation d’éclairer, sous l’angle de la charité, une question de société. Comment, dans le cas présent, la perspective de la charité peut-elle contribuer à accompagner le changement de paradigme permettant de passer de la peine à la sanction ? Quelles sont les bonnes questions que la charité invite à se poser ? Les réponses à ces questions dessinent-elles les grandes lignes d’un nouveau paradigme de la sanction ? Etc.
08h30 – 08h45 : Qu’est-ce que la charité ? En quoi est-elle une grille de lecture pertinente ?
P. Grégoire Catta sj, administrateur de la Fondation Jean Rodhain
Intervention introductive permettant de mettre au même niveau l’ensemble des participants du colloque sur la signification de la charité. En quoi la charité peut-elle offrir une grille d’analyse permettant de penser un certain nombre de questions ? En quoi les échanges comme ceux de notre colloque permettent-ils d’enrichir la compréhension de la charité ?
08h45 – 09h45 : Rapports d’étonnement des titulaires des chaires Jean Rodhain
Titulaires des chaires Jean Rodhain
Les titulaires auront participé au colloque. Ils auront noté depuis le début ce qu’ils observent, ce qui les étonnent, ce qui leur semble fonctionner, ne pas fonctionner, etc. Chacun présente l’essentiel de son rapport d’étonnement en 6 minutes et formule une question qui lui est venue à la lumière de la charité (les titulaires se seront concertés la veille au soir)
09h45 – 10h45 : ateliers à partir des questions formulées par les titulaires des chaires
Titulaires des chaires Jean Rodhain + les participants au colloque
En petits groupes - brassant les participants et donc les points de vue et expériences -, les titulaires des chaires creusent la question qu’ils ont formulé dans leur rapport d’étonnement. (Des administrateurs de la Fondation Jean Rodhain sont nommés rapporteurs).
10h45 – 11h15 : pause
11h15 – 12h15 : Intervention récapitulative du colloque
Claudine Bansept et Jérôme Vignon, président de l’Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale (travaillée avec les secrétaires d’ateliers la veille de 19h à 20h30)
A travers les différentes interventions et les échanges auxquelles elles ont donné lieu, est-on capable d’illustrer la nécessité du passage de la peine à la sanction ? Comment articuler dimensions individuelle et collective de la sanction pour une société harmonieuse et sure ? Etc.
12h15 : messe
13h15 : déjeuner (optionnel)