Cité-Secours Lourdes
Jean RODHAIN, « 100.000 pèlerins hébergés », Messages du Secours Catholique, n° 144, septembre 1964, p. 2.
Cité-Secours Lourdes : 100.000 pèlerins hébergés
Qui était le n° 100.000 ?
Une cérémonie présidée par S. Exc. Mgr Théas, évêques de Lourdes, a eu lieu le 6 août à la Cité-Secours Saint-Pierre pour accueillir « le » 100.000° pèlerin.
Ce 100.000° pèlerin, est, en réalité, un ménage de rapatriés, M. et Mme Pierre Musca, vivant depuis 2 ans à Grenoble, où ils n’avaient pu encore trouver de logement.
S. Exc. Mgr Théas a offert un agneau vivant, et le Secours Catholique a remis à M. et Mme Musca les clefs d’un appartement tout meublé, qu’ils pourront occuper dès leur retour à Grenoble.
Rappelons que la Cité-Secours de Lourdes a été créée en 1956 par le Secours Catholique pour accueillir les pèlerins ne pouvant payer l’hôtel.
Cent mille détails par mois
Avec un des groupes hébergés à la Cité arrive une vieille femme aveugle. Elle parle peu. Première journée : horaire classique : Grotte, repas, repos. Procession. Dîner. Sommeil.
Le second jour, une responsable de la Cité engage la conversation. C'est la confidence : elle n'est jamais venue à Lourdes, bien sûr, mais sa fille est venue, il y a 13 ans, comme grande malade à Lourdes. Elle y est malheureusement décédée pendant son pèlerinage. Elle est enterrée à Lourdes. Le rêve de l'aveugle, en venant ici, c'est de pouvoir aller enfin sur sa tombe. Mais où est-elle ?
Il y a deux cimetières à Lourdes. Il faut donc aller à l'hôpital vérifier la date exacte du décès. Puis à la Mairie retrouver la date de l'inhumation. Puis rechercher le lieu de sépulture, dont il ne subsiste pas de traces dans les dossiers des Pompes Funèbres. Mais qui donc dans un cimetière peut-il entretenir pendant 13 ans la tombe d'une inconnue dont la famille n'avait même pas eu les moyens de rapatrier le cercueil ? Il ne reste qu'à vérifier dans les deux cimetières de Lourdes toutes les tombes une par une.
Après deux jours de recherches, on peut conduire l'aveugle jusqu'à la tombe enfin retrouvée : une petite croix de bois de l'ancien cimetière, à deux pas de la tombe de François et de Louise Soubirous, les parents de Bernadette, cette Bernadette qui...
Cela n'a l'air de rien, mais deux jours de démarches et de recherches cela fait partie des cent mille détails imprévus du service des pauvres.
Certains visiteurs tombent en arrêt devant le self-service du réfectoire. Le tapis roulant, en particulier, qui transporte automatiquement couverts et plateaux vers la fumante machine à laver fait l'admiration de beaucoup. Certains esprits simplistes réfléchissent trois secondes et déclarent : « Somme toute, ici tout marche tout seul. Vous ne devez plus avoir de soucis ». Certains esprits réformateurs, ayant réfléchi une 4ème seconde, proposent d'ailleurs des modifications radicales dans le fonctionnement de la Cité. C'est rempli de bonnes intentions. Et même parfois, il y a une idée à retenir. Mais combien réalisent que dans ce « village de 650 habitants » dont la population change tous les 5 jours, il y a cent mille détails imprévus, les uns tragiques, les autres comiques et dont la solution ne relève pas d'une machine automatique.
C’est cela l'authentique « service des pauvres ».
On a fêté le 100000ème pèlerin...
Permettez que j'ajoute une fleur pour ceux et celles qui les servent à longueur d’année...
J.R.