Catacombes 1945
Jean RODHAIN, "Catacombes 1945", Messages de l’aumônerie générale, n° 6, 19 mai 1945, p. 1.
Catacombes 1945
Quel chrétien n’a pas regardé avec admiration le temps où la foi était cachée mais brûlante dans les Catacombes ? Quel lecteur de Quo Vadis n’a pas envié les contemporains de Tarcisius et de Cécile, et imaginé l’accueil fait le soir à ces cortèges ramenant vers les souterrains romains les restes d’un martyr, ou quelques survivants du bagne de Néron ?
L’Eglise pouvait être fière de telles reliques en ce temps-là. Et voici que l’heure est venue, en ce mois de Mai 1945, de rompre enfin le silence sur nos martyrs. Nous n’avions rien révélé depuis cinq ans d’une clandestinité indispensable hier encore pour éviter des représailles aux survivants encore captifs. Mais le voile se déchire. Reconnaissez parmi ces revenants de Buchenwald des jocistes qui n’y furent conduits que pour leur fidélité à la J.O.C.
Venez voir sur son lit d’hôpital ce scout qui anima toute l’action catholique des déportés du Grand Berlin. Comptez parmi ces prêtres qui, malgré toutes les interdictions, se glissèrent volontairement parmi les déportés pour les aider : combien ont payé de leur vie un geste qui re joint bien celui de Vincent de Paul aux galères ? Préparez-vous à fêter cette poignée de militantes qui partirent auprès des plus méprisées de leurs sœurs, partagèrent volontairement leur sort afin qu’elles ne meurent pas sans un sourire de la France et qu’elles ne souffrent sans une présence du Christ. La foule, qui applaudit l’idée de sacrifice dans un film comme "Les Anges du péché", saura apprécier le sacrifice de ces militantes, si j’ose croire qu’à la gare de l’Est les sifflets qui accueillent les arrivées féminines sauront - pour celles-là - faire place aux fleurs...
Elle va venir l’heure où on devra ouvrir les fichiers. et publier les dossiers de l’Aumônerie générale d’où fut organisée toute cette action clandestine.
Dans quelques années ; les enfants de nos catéchismes apprendront par coeur - en pleurant - les pages de toutes les Céciles de Ravensbrük et des Tarcisius de Manthausen,
Pour la jeunesse de notre Église, voici l’heure de la douleur, mais de la fierté.
Jean RODHAIN