J'arrive de Bethléem
Jean RODHAIN, « J'arrive de Bethléem », Bulletin de liaison du Secours Catholique, n° 32, septembre 1949, p. 1-2.
J'arrive de Bethléem
De notre mission à Bethléem vous trouverez plus loin un itinéraire, et dans « Messages » un compte-rendu illustré de nombreuses photos prises sur le vif.
Deux conclusions émergent de notre enquête.
Premièrement, l’Église est là sur la brèche. Elle est à l’extrême pointe de cette bataille. Israël n’est pas seulement un État, c’est une religion. Les Arabes ne sont pas seulement une armée, c’est le Coran. Et tout l’Orient observe ce qui va advenir de l’Église dans les Lieux Saints. A cette heure, on ne tire plus le canon, mais chacun agit fiévreusement pour gagner la partie finale.
Toute cette activité ne peut cacher les immenses camps avec leur 800.000 réfugiés, ni les camions de la Croix-Rouge portant sans cesse farines et médicaments. Imaginez une journée de bataille dont la soirée se prolonge interminablement. Bethléem, Emmaüs, Jéricho, Jérusalem : partout les réfugiés et leurs plaintes. Après la bataille militaire, la bataille de la misère !
L’O.N.U est là, la Croix-Rouge est présente, les Quakers ont leur zone de secours. Tout récemment le Vatican vient de créer une mission. Mais surtout les communautés françaises : sœurs de St Vincent de Paul, trappistes, franciscaines, etc… sont aux premières lignes de la misère, et elles sont submergées.
St Paul dans sa 2ème Epître aux Corinthiens consacre 32 versets entiers à leur expliquer leur devoir de secourir (déjà) les misères de Palestine.
Les communautés françaises de Palestine n’avaient reçu aucune visite de France depuis 10 ans (1939). Elles ne se plaignaient pas. Elles sont aux avant-postes. Isolées. Mais qu’en savent les paroisses de France ? ?
Deuxièmement : Dans l’Église c’est le Secours Catholique qui est responsable de ces secours.
Ni les enfants de Marie, ni les conférences de St Vincent Paul : Œuvres charitables, mais ce n’est pas là leur fonction.
Un organe a été créé spécialement pour, dans ce cas, agir au nom de tous les diocèses.
C’est pour cela que la mission d’enquête à Bethléem a été confiée au Secrétaire Général du Secours Catholique.
C’est pour cela que les délégations doivent faire connaître cette situation.
Si les journaux français de 1949 n’osent pas dire comment Israël occupe les maisons de 800.000 arabes désormais sans abri, il faut que le prochain N° de « Messages » l’expose.
La première des charités, c’est la vérité. Le cri de ces 800.000 réfugiés se tournant vers la France pour être entendus.
Il faut que « Messages » parvienne dans chaque paroisse.
Il faut que chaque délégation multiplie donc le chiffre des abonnés à « Messages ».
C’est-à-dire le chiffre des adhérents du Secours Catholique.
Il y a aujourd’hui 3 ans, jour pour jour, à Lourdes devant 80.000 anciens prisonniers, la fusion de plusieurs initiatives créait le Secours Catholique.
En trois ans, les délégations ont obtenu pour ce nouveau-né l’estime du public français.
Et à Bethléem aussi toute la population parle maintenant du Secours Catholique. Elle en attend les réalisations.
Nous avons parlé là-bas au nom des adhérents existants, et des bonnes volontés à transformer en adhérents réels.
Pesez, pesons bien le prix de ce cadeau. Combien d’âmes ont envié les bergers de Noël. Combien de cœurs ont jalousé les Mages à la crèche. Et voici qu’on nous confie, à nous, non point le rôle du discoureur, ou de l’écrivassier, ou de l’allumeur de cierge, mais celui de la Charité : la seule vertu théologale si brûlante qu’elle ne passera pas… Pesons, mesurons, apprécions ce qui nous est, à nous, confié.
Que chaque famille préparant Noël, que chaque délégation préparant le 20 novembre sache bien qu’elle travaille pour le Seigneur toujours présent dans beaucoup de Bethléem.
Paris 8 septembre
J. RODHAIN