Jean RODHAIN, « Voici la porte fermée », La Croix, Noël 1950.

Voici la porte fermée

Voici la porte fermée sur ce flot irrégulier qui déferla de France vers ROME depuis la source de NOEL 1949.

Son débit doit être jaugé par comparaison avec le précédent Jubilé. En 1925, la FRANCE compta en tout et pour tout 13.227 pèlerins en groupe et 10.000 isolés : total pour un an 23.227. En 1950, le COMITÉ FRANCAIS a délivré 159.400 cartes de pèlerin. Il faut y ajouter, au moins, 40.000 français venus à ROME sans carte : total pour 12 mois - 200.000 pèlerins. La FRANCE se place ainsi largement au premier rang des pèlerinages de l'ANNÉE SAINTE.

Le public s'imagine parfois que le COMITÉ FRANCAIS a été surtout occupé au moment des gros pèlerinages. C'est une erreur. Le COMITÉ n'a organisé aucun pèlerinage, laissant ce soin aux directions diocésaines, ou bien aux agences de voyages dont c'est la fonction propre. Le COMITÉ a connu deux périodes de travail plus intense : d'abord l'an dernier, la période de préparation. En 1948 et 1949 nombreux étaient ceux qui doutaient du succès, ou de la popularité de la future Année Sainte : il a fallu persuader, informer, documenter : là fut le travail véritable.

Ensuite, au moment des "CONGÉS PAYÉS" d'Août et Septembre : certains ne croyaient pas à une poussée populaire vers ROME, si bien que cette période était presque sans aucun pèlerinage préparé dans ROME. Il a fallu accueillir, grouper, guider la poussière des isolés et des familles, et des petits groupes. Nous ne remercierons jamais assez les Séminaires diocésains qui ont bien voulu fournir les guides bénévoles. Août et Septembre ont été finalement, grâce aux congés payés, les mois de l'année où, malgré la chaleur et les prédictions, les Français ont été les plus nombreux à ROME.

Les équipes françaises d'accueil à ROME auraient de bien belles histoires à raconter. L'infirme dans sa petite voiture, qui, sans publicité et sans bruit, est venue lentement et pauvrement par la route de France à ROME. La proportion incroyable de ceux dont le voyage était le résultat d'une collecte ou d'une délégation de tout un groupe. Les confidences inexprimables de tous les inquiets partis à l'insu de leur paroisse et qui ont trouvé à ROME la clarté et la paix.

Et qui dira le ressort d'une jeunesse inconnue : Combien de fois l'ambulance du SECOURS CATHOLIQUE, sur la route ASSISE-ROME, n'a-t-elle pas rencontré des groupes de jeunes pèlerins français avançant à pied. Pas une fois les valides n'ont accepté de s'alléger de leurs bagages pour cette dernière étape....

Le niveau spirituel de l'ensemble a été très bon. Il a même atteint, dans certains cas, une ferveur indiscutable. Tel cheminement des jeunes, à PAQUES, tel rassemblement des adultes, à la PENTECOTE, seront difficilement oubliés. Un bilan exact ne peut cependant pas cacher d'inévitables remous. Il y a eu des groupes d'agités qui n’ont même pas pensé à venir se recueillir dans les Catacombes. Il y a eu surtout les organisateurs superficiels obsédés par là réussite technique et qui n'ont pas essayé de faire deviner dans ROME cet essentiel qui n'est pas toujours le plus évident.

Interrogez cent pèlerins français, sur leurs impressions dominantes, et vous en aurez 70 qui vous répondront : la personne du Souverain Pontife, et ASSISE. Le calme d'ASSISE, la simplicité d'ASSISE, la pauvreté d'ASSISE ont touché directement nos compatriotes.

Au moment où l'atomique efface le social, ou l'inquiétude, en face de la paix chancelante, absorbe tous les regards, un certain nombre de nos pèlerins ont su tout de même aller dans ROME jusqu’aux quartiers populaires. De leurs véritables contacts avec une masse laborieuse, ils rapportent l'inquiétude du chrétien devant un monde qui, partout, souffre, et devant les avertissements des encycliques sociales....

Ce fleuve sera-t-il un Nil fertilisant ? Il est certain que chaque pèlerin a découvert un aspect de l'Église.

Mais le gain rapporté a besoin d'être exploité. La transposition du Jubilé en France, l'an prochain, trouvera un point d'appui chez les pèlerins de cette année finissante.

Si paroisses et mouvements s'appuient sur les 200.000 pèlerins cela fera du bien aux pèlerins, et aux autres.

Le véritable pèlerinage de l'Année Sainte n'est pas terminé.

Jean RODHAIN