Clôture des journées
Jean RODHAIN, « Conclusions » dans : Aa..Vv.. Journées d'études des aumôniers de prisons , des visiteurs de prisons et du Secours Catholique. Ronéoté. 1951, p. 70-72.
Clôture des Journées d'Etudes
Conclusions
par Monseigneur Jean RODHAIN, Aumônier Général des Prisons
Excellence, ce soir vous venez clôturer ce Congrès dont j'ai l'honneur de vous présenter quelques reflets. La composition même de cette salle dans sa diversité et l'image de ces présences, allant depuis la cornette des religieuses jusqu'au costume de l'Armée du Salut, vous marque en quelle collaboration confiante nous avons travaillé depuis deux jours. Votre Excellence y reconnaîtra aussi nos voisins : l'Italie, qui a délégué, non seulement le Professeur di TULLIO, mais un représentant de la Commission Pontificale d'assistance ; l'Allemagne., qui a envoyé Mgr BAUMEISTER et un délégué de la CARITAS de Fribourg. La Suisse, représentée par Monseigneur TEOBALDI, Aumônier des prisons de Zürich, et représentant de la CARITAS de l'Episcopat Suisse. La Belgique enfin, avec Monsieur le Professeur de GREEFF et les délégués de la CARITAS Belge. Leurs présences symbolisent ce travail en commun. Nous leur disons à chacun un très spécial merci.
Pour inaugurer ces Journées, Excellence, Monsieur le Professeur de GREEFF a commencé par étriller solidement les amateurs et les fantaisistes de la charité. Ni les laïcs, ni les ecclésiastiques n'ont été épargnés par son implacable réquisitoire. Mais s'ils ont courbé les épaules un instant, les visiteurs et les aumôniers les ont vite relevées, car, enfin, ces visiteurs et ces aumôniers, en organisant ce Congrès, n'ont laissé aucune place à l'amateurisme et n'ont eu recours pour travailler qu'à d'authentiques spécialistes : Monsieur le Professeur de GREEFF, le premier. Nous l'avons donc écouté. Son exposé magistral nous a ouvert sur l'âme criminelle de larges perspectives et sa recherche perspicace nous a ramenés jusqu'aux origines lointaines de la délinquance. Ensuite, nous avons suivi l'itinéraire pittoresque et combien rempli d'expérience par lequel M. CANNAT nous a conduits au long des frontières parfois mouvantes de la Théologie pastorale et de l'Administration pénitentiaire ; itinéraire qui marquait d'ailleurs les étapes efficaces d'une réforme pénitentiaire utiles à parcourir auprès d'un tel guide qui est aussi un précurseur.
Nous avons enfin ce matin été quelque peu éblouis en entendant les descriptions des phénomènes cataleptiques et je regardais la salle avec quelque inquiétude pour voir celles des auditrices qui allaient, comme un vulgaire pigeon, se figer tout à coup devant notre étonnante rencontre de I'expérimental et du moraliste en un seul homme, j'ai nommé M. le Professeur BARUK. Il nous a magistralement replacé dans ces perspectives qui ne sont exactes que si elles sont basées sur l'Ancien Testament. Complétées par des « carrefours », les Journées d'études ont été d'une densité telle que je n'oserais en esquisser le moindre résumé.
Votre Excellence me permettra tout de même d'en tirer deux remarques :
1° On pouvait suivre ces Conférences et, un crayon à la main, remarquer que le mot le plus attendu, le plus normal, mais le moins prononcé était celui de prison. Cela marque les perspectives, la largeur de vues, la classe de vos travaux. Vraiment, vous n'étiez pas prisonniers d'une déformation professionnelle.
2° Suivant les sages principes qui veulent que le responsable se repose paresseusement sur le travail de ses collaborateurs, j'avais donc laissé préparer ces Journées par cette équipe composée des Pères DUBEN, MOUREN et VERNET, mais aussi de Mademoiselle, - non, vous ne voulez pas que je dise Mademoiselle - par l'animatrice que vous nommez toutes : Céline LHOTTE (Applaudissements).
A la veille de ces Journées, vérifiant tout de même le programme, j'ai eu la naïveté de m'inquiéter pour les Aumôniers, me disant : Tiens, il n'y a rien pour eux ! N'aurait-il pas fallu prévoir quelques bonnes paroles, quelques conférences spéciales ? Quelle naïveté ! Ils ont été comblés : citations d'Ancien Testament, Révérends Pères de l'Église, arguments théologiques. Les laïcs ont rivalisé de coquetterie inattendue pour servir et assaisonner Messieurs les Aumôniers. Ils ont même envahi, ces laïcs, jusqu'à la remplir exclusivement, la salle où le Révérend Père CARRÉ, à propos de « La puissance et la gloire », analysait d'une manière éblouissante ce multiple paradoxe sans monopole qui s'appelle : La Vie Sacerdotale.
Ceci se passait aujourd'hui. Si nous regardons vers hier, nous pouvons souligner qu'un tel rassemblement n'aurait peut-être pas été facile, il y a 5 ou 10 ans. Le Secours Catholique est confus de la confiance que vous lui faites en lui permettant de servir de point de cristallisation ; c'est là son rôle essentiel. Il n'oublie pas un seul instant que des réunions comme celles-ci sont dues à tout un mouvement d'opinion provoqué par l'ensemble des prisonniers de guerre et par l'expérience et le travail des multiples pionniers représentés ici, dans cette salle, et provenant des différentes familles spirituelles de la France.
Si nous regardons maintenant, un instant, vers demain, avec cette ambition normale de ceux qui voudraient tout de même que, d'une année à l'autre, il y ait encore un progrès, nous nous permettrons d'abord de nous féliciter de cette rencontre, cette année, avec les Visiteurs de Prisons et en plein accord avec eux. Alors qu'eux-mêmes préfèrent choisir généralement Paris comme lieu de leur rassemblement, répondant à l’invitation de la Bretagne, ayant le souci de prendre des contacts de plus en plus nombreux avec la province où se fait souvent le travail le plus profond, nous fixons notre Congrès l'an prochain à Rennes. Ce congrès, dans 3 ans, reviendra ensuite à Paris dans le désir de rejoindre fidèlement Messieurs les Visiteurs.
Si nous regardons vers demain, nous n'oublions pas, Excellence, la lettre que vous adressiez l'an dernier aux Congressistes de Royat. Nous savons combien la communauté chrétienne tout entière dépend de vos directives, et pensant à tous les chantiers que nous aimerions voir s'ouvrir, non seulement pour certaines constructions morales, mais aussi pour certain abri destiné aux jeunes délinquants dans votre immense Paris, si privé d'une maison de ce genre, nous vous redisons avec plus de confiance et plus d'insistance que jamais combien nous regardons filialement vers vous et vers vos directives.
Enfin, si nous pensons à demain, nous sommes amenés peut-être à nous arrêter un instant sur la finale de ce programme qui vous a été proposé et que, par extraordinaire, nous avions jusqu'ici ponctuellement suivi. Ce programme devrait normalement se terminer par une commission des vœux. Je propose que l'on supprime la commission et qu'on supprime les vœux pour deux raisons :
1° Les sujets traités avaient un telle ampleur, ils l'ont été avec une telle optique que si on devait les traduire par des vœux, il faudrait, ou bien un véritable traité de réforme pénitentiaire - il existe - ou bien rétrécir singulièrement ces Journées d'Etudes aux proportions d'un vulgaire meeting, ce que nous ne voulons pas.
2° Le travail confiant que l'Aumônerie Générale des prisons veut effectuer de plus en plus avec l'Administration Pénitentiaire m'interdit de provoquer, dans une assemblée où elle est éminemment représentée, des vœux qui pourraient sembler associer ou, au contraire, diviser nos propres invités. Je parlerai donc seul, en n'engageant que moi-même et parlant comme Aumônier Général des Prisons, j'estime devoir aller prochainement exprimer respectueusement aux autorités combien toutes les confidences reçues au cours de ces Journées me font penser que devient de plus en plus opportune la solution aux deux problèmes qui vous préoccupent : 1° celui de l'interdiction de séjour actuellement en cours d'acheminement ; 2° celui de l'application réelle de la récente loi d'amnistie.
Mesdames, Messieurs, Mesdemoiselles, c'est tout ce que je voulais dire.