Objection de conscience
Jean RODHAIN, « Objection de conscience », Panorama chrétien, Noël 1959, p. 26.[1]
Objection de conscience[2]
Mgr Jean RODHAIN, aumônier général des prisons, secrétaire général du "Secours Catholique"
1. Admettez-vous ou n'admettez-vous pas l'objection de conscience ?
Objecteur de conscience ? Quelle conscience ? Il n'y a pas une conscience «spéciale» pour le devoir militaire. Cela ne veut rien dire. Ou bien on fait son devoir, ou bien on ne veut pas le faire.
Nous sommes en pleine confusion. Si on permet à l'individu de « choisir », si on commence à lui accorder cette liberté pour le service des armes, il faut la lui accorder aussi pour le service de l'impôt si sa conscience n'approuve pas les dépenses de l'État.
Cette servitude militaire implique des actions qui ne me conviennent pas ? C'est bien pour cela que c'est une servitude.
Celui-ci objecte l'évangile. Mais, dès l'instant où l'Église, en France, délègue un cardinal archevêque comme aumônier général des armées, il me semble outrecuidant de vouloir être plus évangélique que l'Église.
La conscience de Jeanne d'Arc, chef de guerre, la conscience du Père de Foucauld, officier, celle de Péguy ou celle de Saint-Exupéry, morts en soldats, valent bien celle de ces discutailleurs.
2. Pourquoi ?
Je n'ai jamais rien dit sur cette question, mais, puisque vous voulez mon avis, le voici. Ou bien vous voulez profiter de la terre française : alors, sachez vous battre pour elle. Ou bien vous ne voulez pas vous battre : alors, allez habiter un autre pays.
Ce qu'il faut faire? Nous sommes en France, appliquons la loi française. L'objecteur du Code de la route veut rouler à gauche : qu'on lui retire son permis, ou alors qu'il aille au pôle sud, il roulera à sa guise.
Il y a une loi française qui punit très sévèrement celui qui reste inerte devant un accident pour non‑assistance à personne en danger de mort. Pourquoi châtier cet objecteur‑là et ne pas châtier celui qui reste inerte devant un pays tout entier en danger ?
La floraison des objecteurs grandit par la complaisance de ceux qui n'ont pas le courage de parler net.
3. Quelle solution préconisez-vous ?
L'objecteur du service militaire ira en prison? Qu'il y aille ! Voilà la mesure que je préconise exactement. Cela fera pleurnicher une douzaine de lectrices. Cela n'a absolument aucune importance : elles seront les premières, dès la prochaine bataille, à réclamer des soldats plus nombreux pour défendre leur village.
Je suis aumônier général des prisons et secrétaire général du Secours Catholique. C'est sain de corps et d'esprit, sciemment et en pleine connaissance de cause, que je prends cette position et que j'affirme m'aligner par charité sur la même position que le bon saint Martin, cet exact officier des armées romaines.
[1] Réédité dans : La Cité Catholique, nd pp.63-64, dans Bulletin de la Saint Cyrienne n°160, avril 1960, pp.25-26, et dans L'Homme nouveau, 28/08/60.
[2] Ce titre n'est pas dans l'article puisqu'il s'agit d'une contribution au sein d'un grand article. Il est ici ajouté thématiquement par commodité.