D'un Concile à l'autre
Jean RODHAIN, « Préface », in SECOURS CATHOLIQUE (éd.), La charité. Anthologie de documents pontificaux contemporains, Paris, SOS, 1963, p. 9-11.[1]
D’un Concile à l’autre
Il y a cent ans
Il y a cent ans paraissait l'Encyclique « Quanta Cura » (8-12-1864), suivie du « Syllabus », ce catalogue des « principales erreurs de notre temps »[2].
On mesure mal en 1964 les réactions différentes provoquées alors chez nos catholiques par ces deux documents : d'une part, Mgr Dupanloup salue la grandeur du spectacle donné par Pie IX « ce vieillard... qui ne songe qu'à élever la voix pour défendre l'ordre divin, l'ordre moral et toute la société européenne... contre les illusions, contre les faux principes (et) les doctrines erronées ».
D'autre part, Albert de Broglie constate que « pendant que les croyants étaient ainsi confondus et éperdus, les incrédules poussaient un formidable cri de triomphe. Le thème favori de toutes les publications irreligieuses, l'incompatibilité de la foi avec les progrès de la science et les perfectionnements des mœurs modernes, semblait confirmé par l'aveu du Chef de l'Église lui-même. Le divorce entre le christianisme et la société paraissait prononcé par le tribunal suprême du Vicaire de Jésus-Christ ».
« Rien ne montre mieux que le déroulement dramatique de ce débat l'abîme qui s'était creusé entre la société moderne laïcisée et l’Église Romaine, à la veille de la réunion d'un Concile Œcuménique au Vatican »[3].
Les ponts sur l’abîme
Depuis cent ans l'Église a pris peu à peu conscience de cet abîme. Cependant il restait récemment encore des inconscients qui vivaient dans les souvenirs de l'Église Constantinienne...
Depuis cent ans, dans le domaine social, des ponts ont été lancés sur cet abîme. Ces ponts s'appellent « Rerum Novarum », « Quadragesimo Anno », « Mater et Magistra ». Ce sont des architectures qui ont ensuite inspiré de multiples structures. L'histoire de ce catholicisme social depuis un siècle commence à s'écrire. Et cette histoire ne sera pas la page la moins intéressante des annales de l'Église.
Mais pour assembler des ponts sur des abîmes, il faut du ciment. La Charité est le ciment de l'Église. La vertu de Charité, essentielle dans l'Église, est le soutien et le lien de toutes les structures entreprises par elle. Elle ne consolide pas seulement les structures. Les activités charitables les préfigurent. La Charité d’aujourd'hui prépare la justice sociale de demain.
Et la structure est affaire de spécialistes. Les institutions ne sont conçues et animées que par quelques-uns. Ces quelques-uns sont portés, poussés, étayés par la communauté. De la charité de cette communauté dépendra la qualité de ses spécialistes.
La qualité de la Charité dans la Communauté primitive produit les Diacres. La qualité de la Charité des Monastères a enfanté les grands Abbés défricheurs et réformateurs.
L'existence ou l'absence de charité dans les paroisses marque les hauts et les bas dans le rayonnement de l'Église. La tiédeur de la Charité produit l'ankylose dans les articulations, la paralysie dans les structures. Sa ferveur prépare les initiatives.
Pour préparer l'an 2.000 où sont les sources de la Charité ? Y a-t-il des études d'adaptation de la vertu théologale de Charité aux temps actuels ?
Des matériaux
Une équipe discrète et laborieuse réunie autour du Secours Catholique Français a bien voulu rechercher et ordonnancer les textes pontificaux parus depuis cent ans sur la Charité. Voici en cette anthologie le résultat de son travail.
On me dira que ces éléments sont hétéroclites. On trouvera des arguments qui nous semblent périmés. On rencontrera des expressions dépassées. Mais il est probable que dans 300 ans cette optique reviendra à la mode, ce qui devrait nous rendre prudents dans nos actuelles sentences.
- Ce sont des matériaux. Mais ils proviennent du Magistère de l’Église.
- Leur synthèse reste à faire. Les lignes d'orientation sont à reconstituer. Mais voici des éléments de travail. Puissent-ils servir à ceux qui veulent mieux préparer l'Église à se mettre au service des Pauvres d'aujourd'hui, et de demain.
Mgr Jean RODHAIN,
Directeur de la Commission des Programmes de Caritas Internationalis.
[1] Réédité partiellement dans Jean RODHAIN, Toi aussi fais de même, textes présentés par Paul HUOT-PLEUROUX, Paris, SOS, 1980, p. 181-182 sous le titre « Le ciment de l'Église ». (note de l’éditeur)
[2] Beaucoup de ces erreurs sont encore actuellement vivantes et condamnables. Certaines ont exactement produit les fruits de mort et de corruption prévus par Pie IX. Et « Pacem in Terris », la dernière Encyclique de Jean XXIII, qui fut si bien accueillie dans le monde entier, reprend - sous un autre éclairage, et en d'autres termes - les mêmes positions théologiques et philosophiques que « Quanta Cura ». Mais, bien entendu, ce rapprochement scandalisera les gentils Gribouilles qui ne se donnent plus la peine de travailler les textes authentiques. J.R.
[3] Latreille, Histoire du Catholicisme en France, SPES, page 373.