L'Eglise des pauvres
Jean RODHAIN, « L'Église des pauvres », Documents-Secours, n° 6, avril 1963, p. 3-4.
L'Église des pauvres
J'ai appris quelque chose, quelque chose que j'apprends tous les jours. Si vous avez des ennuis, si vous êtes malade, si vous êtes dans le besoin, demandez aux pauvres. Ce sont les seuls qui aident. Les seuls...
John STEINBECK (Les Raisins de la Colère)
« L'Église, c'est d'abord l'Église des pauvres » a rappelé le Pape avant d'ouvrir le Concile.
« Parmi les disciples il y avait de vrais notables : Nicodème, Nathanaël, Joseph d'Arimathie... Jésus pouvait créer une « Communauté de notables accueillante aux pauvres ». Jésus fit le contraire de l'apparente humaine sagesse. Il institua une « Communauté de pauvres (pas de gueux, ni de mendiants, mais de pauvres travailleurs) accueillante aux riches[1]»
Or dans le Concile, comme un bruit de fond, mais un bruit de fond imprévu par ceux qui avaient tout prévu, monte un lent murmure. C'est la voix des peuples de la faim, des peuples sans toit et sans travail. Misereor super turbam. Cette pitié pour ces peuples, leurs évêques l'ont criée au Concile. Et le Concile ne se terminera pas sans un rappel de ces pauvres et de la manière dont cette Église du Christ doit se mettre de plus en plus à leur service.
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Et ceci nous concerne directement, car pour nous l'échéance viendra.
Pour l'instant le Concile ne bouscule personne. Les moniales prient, les évêques consultent, les militants suggèrent, les journalistes critiquent. Ça ne fait de mal à personne. C'est inoffensif et facile pour le public et les fidèles. Rome est loin. Tant que le tailleur coud, je suis tranquille, mais dès que l'habit est porté, je deviens pour la ville une cible.
Dès le Concile terminé, chaque paroisse deviendra la cible. On ne regardera plus vers Rome, mais vers la paroisse au pied du mur. Les japonais regarderont les paroisses japonaises, les Bretons, les paroisses bretonnes. Le public vérifiera les fruits de la grande espérance. Ce Concile, quelle transformation a‑t‑il apportée ? Le public jugera. Ce sera fini de tirer sur la Curie ou d'admirer les photos des cortèges. Chacun sera au pied du mur : ce sera pour le clergé, pour les paroisses, pour les œuvres, la grande échéance. Ce sera l'heure la plus difficile du Concile. Le public exagérera, mais on y va : à Noël 1963 l'échéance.
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Alors si le Concile se termine sur un grand appel pour que l'Église redevienne mieux l'Église des pauvres, on se tournera vers les responsables de ce service des pauvres. Le Secours Catholique aura des comptes à rendre à l'Église et au public. En quoi aura‑t‑il profité du Concile pour changer, pour se changer, pour s'adapter mieux au service des plus pauvres ?
Voilà pourquoi certaines délégations ont voulu procéder à une enquête.
Même dans les diocèses où ce travail n'a pas été inséré dans le programme officiel déjà très chargé, ce questionnaire peut servir d'examen de conscience à chaque destinataire de ce Documents‑SecOurS. Voilà pourquoi il figure en tête de ce numéro.
L'hiver a été bien rude pour les pauvres gens. Voici le soleil d'été. Et dès que ce soleil baissera, c'est le Concile qui s'efface à Noël. Ce sera l'heure de l'échéance pour nous tous. Église des pauvres.
Mgr Jean RODHAIN.
[1] Abbé Pierre, dans Messages du Secours Catholique, février 1963, p. 6.