30% des humains profitent de 57% du gâteau alimentaire
Jean RODHAIN, « 30 % des humains profitent de 57 % du gâteau alimentaire ; 70 % des humains doivent se partager le reste, soit 43 % », Messages du Secours Catholique, n° 160, février 1966, p. 7.
30 % des humains profitent de 57 % du gâteau alimentaire. 70 % des humains doivent se partager le reste, soit 43 %
Avant de parler de Paix, ayons assez de charité pour commencer d'abord par la justice. Car il est injuste que dans ma rue des vitrines surabondent de cent variétés de conserves, alors que dans toutes les rues de cette bourgade orientale les vitrines sont vides, presque vides, avec de temps en temps quelques bols de riz.
Les romanciers et les économistes écrivent parfois des articles d'histoire-fiction où ils prophétisent pour l'an 2000. Ils voient les peuples de la faim un jour se réunir, s'organiser, et déclencher une croisade dans l'autre sens : cinq cents millions d'hommes jaunes et noirs en marche vers l'Europe. Et avec ou sans guerre, cette fourmilière en marche occuperait Rome et Paris, les blés de la Beauce et les rizières du Piémont. Ils ne mangeraient pas mieux après, et tout le rendement diminuerait. Mais la soupape aurait éclaté. Comme la guerre éclate quand la pression est trop forte, ou l'oppression trop lourde, ou l'inégalité trop criante, ou la faim trop longue.
Je ne sais pas si cette fourmilière chinoise se mettra en marche quand le riz sera trop rare là-bas. Je n'en sais rien.
Mais ici, dans mon quartier, ce jeune ménage mal logé est oppressé, avec ses 4 enfants dans son deux pièces sans commodités. Le pain ne leur manque pas. Mais c'est l'air qui est trop lourd. Ce sont les nerfs qui ne tiennent plus. C'est l'inégalité qui est trop criante. Ils sont mécontents de leur taudis et moi je suis mécontent, en face d'eux, d'être bien logé.
Sur une trame de mécontentements, il ne fleurit point de paix dans les familles, ni dans la cité, ni dans le pays. Voilà pourquoi cette page sur certaines inégalités veut illustrer les phrases du Pape à l'O.N.U. sur la Paix, construite par une charité qui prépare la justice.
J'ai longtemps cru que l'Amérique était verte comme un tapis de billard et I'Océanie jaune comme un citron. Je l'ai cru parce que dans mon enfance le mur de ma chambre était tapissé de cartes coloriées et imagées. Sur la verte Amérique, il y avait des Sioux avec des flèches, et sur l'Australie toute jaune, un cow-boy avec son troupeau de bœufs. J'y ai cru de tout mon cœur d'enfant. Mais, à force de regarder, j'ai retenu aussi les contours et les pays, et cela m'est resté présent. Aussi depuis mon enfance, je sais un peu de géographie.
Est-ce que pour les enfants de maintenant on ne pourrait pas laisser les couleurs, mais enlever les Sioux avec leurs flèches ? Est-ce que l'on ne pourrait pas figurer les pays de la faim par un signe ? Ou par un graphique très simple ? Cette géographie-là vaut bien celle des fleuves et des océans. Et l'enfant devenu grand saurait déjà que le monde a besoin de lui.
C'est en pensant à cela que cette page a été composée. Pourquoi ne pas la détacher ? Pourquoi ne pas l'afficher ?
Avant de discourir, commençons par regarder...
J.R.
(Chiffres et statistiques fournis par l’I.N.S.E.E.)