Sidoine pharmacien
Jean RODHAIN, « Le carnet de Sidoine : Sidoine pharmacien », Messages du Secours Catholique, n° 190, octobre 1968, p. 2.
Le carnet de Sidoine
Sidoine pharmacien[1]
Questions
En visitant les installations S.O.S., 106, rue du Bac, j’ai vu l’atelier où une pharmacienne diplômée prépare les « Valises-Pharmacie » pour le Biafra. Qui au Secours Catholique a inventé ce système d’assistance ?
Réponse :
Personne, ici nous inventons peu. Nous recopions et nous adoptons, car depuis deux mille ans la Charité a déjà « inventé ». Les valises de pharmacie ne sont pas nouvelles. Ainsi à l'Assemblée Générale du clergé de 1670, on donne en exemple une œuvre de Charité parisienne qui distribue aux pauvres des « remèdes éprouvés ». Et l’Assemblée demande à cette œuvre d’envoyer des « paquets » de remèdes avec livrets explicatifs en province et elle invite les Evêques à les diffuser dans leurs diocèses.
- Est-ce que cette invitation a été suivie d'effet ?
- On en trouve un écho dès 1672 dans le diocèse de Tréguier où l’Évêque organise lui-même la distribution de ces « paquets-pharmacie ». « Nous ordonnons à nos curés d’en faire distribuer. Dans toutes leurs paroisses, on aura un pacquet[2] de ces remèdes, avec le livre qui en enseigne l’usage, où il y aura trois ou quatre cents médecines pour neuf livres dix sols et un pacquet qui suffira par ou pour la plus grande paroisse. »
- C’est donc le clergé qui a le monopole de ces paquets ?
- Pas du tout. Il lance l’idée, et l’expérience ayant été concluante, ensuite on l’adopte.
Dès le début du XVIII° siècle, c'est l’État qui, à son tour, prend en charge ces distributions de remèdes.
Les médecins fameux sont chargés de déterminer la composition de la valise-pharmacie : Helvétius, le Père, puis son fils et son neveu Diest, enfin le sieur Lassone.
On expédie en province dès 1722 100.000 doses (pour 30.000 livres), en douze petites bottes pour intendance, plus une grande boîte contenant une réserve... des mêmes remèdes et des remèdes moins courants.
Plus tard on expédie annuellement 32 grandes boîtes (soit une par Gouvernement) et 742 petites boîtes (932.000 doses) ; enfin à partir de 1776, 32 grandes boîtes et 2.258 petites.
- Quelle était alors la composition de ces « valises-pharmacie » ?
- Chacune avait une notice donnant la liste des médicaments. Voici une liste type :
« Tartre émétique, Kermès minéral, poudre purgative universelle, poudre fébrifuge purgative, poudre hydrogogue purgative, poudre pour la dysenterie, poudre incisive fondante, poudre anodine, quinquinée en poudre thériaque, emplâtre de Nuremberg, quintessence d’absinthe, pierre bleue, boules médicamenteuses. »
- Cette liste me laisse rêveur. Quel pouvait être l’usage de tels médicaments ?
- Dans son précis de la matière médicale (1766), M. Lieutaud, médecin des Enfants de France, professe que le tartre émétique à base d’antimoine est un vomitif, le Kermès minéral, à base d’antimoine et de salpêtre, un vomitif et un purgatif, la poudre incisive fondante à base de safran de mars, de gomme résine et cloportes préparés, un émollient, la poudre anodine un calmant, le thériaque un remède universel, l’emplâtre de Nuremberg, à base de minium, de camphre, de cire d'huile rosat et de graisse de cerf est utilisé pour les ecchymoses, les plaies et les ulcérations, la pierre bleue ou vitriol est un ophtalmique et la quintessence d’absinthe rétablit les forces.
- Une dernière question, Sidoine. Je suppose que la pharmacopée ayant évolué depuis 1766, vos Valises-Pharmacie distribuées gratuitement par S.O.S. dans le Tiers Monde en 1968 ont une composition moderne. Mais ce qui m’intrique, Sidoine, c’est de découvrir tout d’un coup vos compétences pharmaceutiques. Je vous savais sacristain, docte en cierges et encensoirs, et spécialiste aussi en grognements et quelquefois en hargnements. Mais depuis quand êtes-vous pharmacien ?
- Hélas ! pharmacien ne suis. Mais j’apprends la polycopie. Dans notre sacristie, nous essayons pour les annonces de messes une mécanique achetée au SICOB. Alors, pour voir ce que cela donnait, j’ai polycopié un chapitre qu’un certain Klein[3] prépare sur l'histoire de la « Charité » : le chapitre des Valises-Pharmacie. Si j’ai bien passé ce matin mon examen, je n’ai aucun mérite : je l’avoue, j’ai copié.
SIDOINE.