Trois découvertes
"Trois découvertes ?", MSC, n°257, novembre 1974, p. 3.
Trois découvertes ?
Découverte du froid
Celui-ci en fait de froid, ne connaissait que les sports d’hiver, avec l’air vif à l’heure du ski, mais avec le soir la chambre d’hôtel bien chauffée. Il a fallu que son immeuble parisien tarde à ouvrir ses radiateurs pour qu’il soit saisi d’un frisson inconnu. Il crie bien haut sa véhémente surprise de devoir travailler dans un bureau glacial. On lui fit remarquer que si elle était nouvelle pour lui, cette froidure du domicile était depuis toujours le partage de centaines de milliers de vieillards et d’isolés. Il fut abasourdi de découvrir que 12 degrés étaient ainsi supportés par ceux-là tout au long de chaque hiver. Ce fut pour lui une découverte.
Il avait entendu parler de ces cas douloureux, mais il les enregistrait comme les notions d’algèbre ou d’archéologie. En ce Novembre 1974, pour la première fois de sa vie il « réalise » le froid.
Découverte de la faim
Dans le courrier de ce matin, une lettre m’arrive d’un dispensaire du Bengladesh.
« Ce matin, ne sachant que faire et voulant encore apaiser la faim de quelques-uns, nous avons fait cuire 1 Kilo et demi de riz avec abondance d’eau pour faire une sorte de bouillie assaisonnée d’un peu de lait qui nous reste, puis nous avons fait cuire des « épluchures » de légumes dans lesquelles nous avons râpé 2 œufs durs. Aux uns, nous avons donné, versé sur une feuille, la valeur d’une demi petite boite à lait condensé de ce mélange. Pour les plus misérables, nous avons rempli la boite ... Une pauvre femme privilégiée, puisqu’elle avait reçu pour elle et ses trois petits revenait les mains vides : « Pourquoi reviens-tu alors que tu as été servie ? » - Je reviens pour vous dire merci, car nous n’avions rien pris depuis trois jours, aujourd’hui, nous avons mangé... » Seigneur ! quel repas... Une poignée de riz mou… Quand mangeront-ils la seconde ? ... comme ça me déchire le cœur !
Il faut vivre cette misère, cette détresse qui engendre la terreur : Terreur du pillage dans des conditions horribles, surtout de nuit, car, une foule affamée qui déjà lance des menaces ... est capable de tout envers n’importe qui... « Terreur de la mort ». Oui, il faut vivre tout cela pour réaliser la gravité du moment, l’angoisse qui est la leur et la nôtre. Que de fois avec ma compagne française, nous pensons et disons : ah ! si nous étions en France, nous irions chaque jour chercher au moins tout le pain que nous avons vu dans les « poubelles » pour en faire des bouillies substantielles qui nourriraient combien de ces malheureux ! »
Nous ne connaissons pas la faim. Comme pour le froid on ignore ce que l’on n’a pas éprouvé. Celui qui est resté quelques jours sans nourriture aucune regarde autrement le mot « faim » : Découverte de la faim.
Découverte du cœur
Dans ce livre merveilleux et pittoresque des « Actes des Apôtres » on découvre le cœur de la primitive Église. Chaque chapitre est truffé d’activités charitables. Il y avait alors dans les communautés chrétiennes mise en commun et partage . On ne faisait alors ni conférence ni session sur l’évangélisation. On disait simplement : « Venez et voyez ! »
Quand Pierre, le premier pape, arrive à Jaffa on lui fait visiter le vestiaire et l’ouvroir de la communauté. Quand Paul compose ses épîtres si denses de haute théologie, il y réserve 83 versets pour l’organisation méticuleuse de la quête en faveur de Jérusalem éprouvée par la famine.
De nos jours se réalise un véritable œcuménisme de la Charité. Aux quatre coins du monde des communautés que séparent encore des cloisons dogmatiques, se rejoignent cependant pour servir les plus pauvres.
Situé dans cet immense travail en commun le Secours Catholique ne rougit pas aujourd’hui de tendre la main : pour la Journée Nationale, nous vous demandons un geste précis . Vous avez donné abondamment pour le Sahel. Tant mieux. Répétez votre geste pour ceux qui ont froid. Pour ceux qui ont faim : ils sont innombrables et ils crient vers vous.
Merci
Jean RODHAIN