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En vacances, avec ou sans guide

08 décembre 2013
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Jean RODHAIN, « En vacances avec ou sans guide », Messages du Secours Catholique, n° 100, juillet-août

En vacances, avec ou sans guide…

« Mesdames, Messieurs, dit le guide, après avoir signalé le vitrail du XVIIe siècle, si endommagé par le bombardement de 40, Mesdames, Messieurs, arrêtez-vous un instant à l’entrée du chœur de notre cathédrale.

Devant vous, à droite, la chapelle de Saint Sébastien. Admirez, près du premier pilier, ce triptyque en bois doré, de la fin du XIIIe. »

Les trente touristes regardèrent le pilier et admirèrent le triptyque pendant les 20 secondes accordées par le guide de l’agence.

« Au centre, chapelle de Saint-Roch : Mesdames, Messieurs, au pied de la statue du Saint en marbre de Carrare, remarquez ce chien aux yeux si expressifs.
En face de vous, Mesdames, Messieurs, chapelle du Saint Sacrement, rien à signaler.

Maintenant, Mesdames, Messieurs, nous Passons au remarquable transept Sud… »

Le troupeau touristique aborda courageusement le transept Sud. Cependant, devant la chapelle du Saint Sacrement, deux vieilles dames firent une révérence touristique qui aurait pu être une génuflexion si elles avaient eu vingt ans de moins et un étudiant allemand se signa.

Puis tous enfilèrent sans broncher le transept, les yeux rivés sur la silhouette du guide (assermenté).

Emporté par le mécanisme touristique, j’avoue l’avoir suivi. Puis, après trois pas, enfin je réalisai mon aveuglement et je revins en arrière, interdit.

Oui ou non, le Seigneur est-il là ?

Oui ou non, le Créateur est-il là

Oui ou non, celui qui me jugera, Celui devant qui tous sans exception, et moi en particulier, nous nous trouverons inexorablement face à face à l’heure d’après notre dernière heure, est-il réellement présent dans cette chapelle du Saint Sacrement ?

Oui ou non, est-ce son « vrai corps » sous cette apparence de pain ? Dans un tabernacle sans style, avec autour, une broderie dont je ne voudrais pas sur mon buffet de cuisine ?

C’est vrai, ou pas vrai ?

Si c’est vrai, pourquoi cette extraordinaire, cette vertigineuse, cette divine Présence, la mettre sur le même plan que le retable (en bois) du XIIIe et le chien (en marbre de Carrare) du XVe ... ? Passe pour le guide ou pour l’antiquaire. Mais si j’ai la foi, pourquoi ai-je glissé insensiblement dans cette confusion ?

Si c’est vrai, à genoux.

Si c’est vrai, contemplons, adorons ici le Seigneur Présent, à genoux.

A genoux. Comme le Mage devant la Crèche, comme Pierre au bord du lac. Comme, devant l’évidence des plaies dans les mains et sur le côté, Thomas effondré de stupeur.

Maintenant, il me faut rejoindre, sous le portail, le troupeau touristique achetant les cartes postales du retable (en bois) et du chien (en marbre). Et cette Présence que je quitte est celle de Celui qui a institué cette Présence du Pain, après avoir minutieusement, personnellement lavé les pieds de son troupeau insouciant : c’est le Jeudi saint du Pain consacré et du Pain partagé. Il n’admettrait pas que je l’adore présent dans cette chapelle (mal tenue) si, en même temps, je ne savais estimer et aimer ce troupeau touristique qui est mon prochain aujourd’hui, puisque j’ai payé ma place à l’agence dans ce car qui, rentrant vers l’hôtel, nous regroupe tous ensemble.

Car si je regarde avec foi ce Christ présent dans le Pain, cette foi me fait regarder autrement ceux qui sont autour de ce pain, assemblés.

Le groupe des Anciens Combattants prévoit, dans son Congrès annuel, une messe pour les morts de 14 et de 40-45. C’est une dette. C’est une pieuse pensée.

La Société locale de bienfaisance prévoit, elle aussi, chaque année, une messe avec sermon, et absoute pour les morts. C’est bien.

Et le Seigneur tient compte des intentions même confuses, des uns et des autres et peu à peu les bénira.

Mais la messe, ce n’est pas les morts, ni la quête, ni l’absoute, ni le sermon patriotique.

Le Sacrifice du Jeudi saint et du Calvaire, c’est le Christ se sacrifiant par amour et entraînant chacun à aimer.

Un organisme de la Charité d’Église, un Secours Catholique doit reconnaître entre la Messe et le service des pauvres, entre la Présence dans le Pain et le Pain partagé, un lien.

C’est une équation rigoureuse.

C’est une charnière de fer, exactement ajustée. C’est le cep et le raisin.

C’est un exemple et sa conséquence.

C’est le Christ immolé entraînant chacun au service des autres.

C’est la Rédemption pour tous convoquant chacun à racheter pour tous.

Impossible de regarder, de considérer le Pain vivant, présent, sans nous associer au pain partagé.

Ouvrez Saint Matthieu au chapitre XXVI, sur la même page : « Ceci est mon Corps » et « Vous m’avez vêtu. J’avais faim, et vous m’avez donné à manger ».

C’est le Seigneur également dans l’Eucharistie et dans le prochain. Suivant des modes différents, certes. Mais c’est de Lui qu’il s’agit. Et c’est sur cette attitude vis-à-vis de Lui, présent dans l’affamé, le réfugié, le dénudé, que nous serons finalement jugés ...

Vacances et congés payés vont nous disperser.

Il nous arrivera à tous de visiter une cathédrale. Ou bien de pousser la porte d’une église solitaire de campagne. Les gens sont aux champs et on n’entend que les mouches bourdonnant autour du baptistère, tandis qu’un vitrail mal joint claque au vent ses verres comme une lente castagnette.

Pourquoi ne pas profiter de cette solitude et de cette soirée sans téléphone pour considérer cette Présence inoubliable ?

Pourquoi ne pas revivre en cette Présence, ce Jeudi saint qui fut le moment du « Ceci est mon Corps », mais aussi le moment de ce même Corps agenouillé devant autrui, pour le servir jusqu’au lavement des pieds…

Pourquoi ne pas regarder d’un regard neuf ce Pain vivant, et prévoir davantage le Pain partagé ?

Pourquoi ne pas regarder aussi à travers la campagne française nos admirables et interminables champs de blé en songeant déjà à la Campagne de l’an prochain : la Faim dans le monde.

Le Christ, c’est le pain partagé…

Bonnes vacances…

Mgr Jean RODHAIN

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