Contribuer et être protégé, des aspirations universelles
Contribuer, être protégé : parce que la société n’offre pas à chacun de réponse à ces aspirations fondamentales, des centaines de milliers de personnes poussent chaque année la porte du Secours Catholique. Voilà l’une des constantes qui se dégagent, année après année, de nos rapports statistiques sur l’état de la pauvreté en France. Contribuer et être protégé : les personnes migrantes ne demandent rien de plus. La plupart d’entre elles n’ont-elles pas quitté leur pays pour échapper à des menaces multiples, pour exprimer tous leurs talents ou pour améliorer la situation des leurs ? Cette édition étudie plus précisément la situation de ces pauvres parmi les pauvres, en France mais aussi, par exemple, au Mexique, au Bangladesh ou en Mauritanie, en lien avec nos partenaires internationaux.
Être protégé, c’est d’abord avoir une terre où vivre, où se projeter sans crainte du lendemain. Or, en Amérique centrale, au Niger ou en Libye, le chemin des migrations ne laisse guère de répit. En France, l’application absurde du règlement européen de Dublin, comme le refus de régulariser des ménages installés de longue date sur notre sol, condamnent des dizaines de milliers d’hommes, de femmes, d’enfants à la fuite et à l’errance permanentes. Parmi les étrangers accueillis au Secours Catholique, 37 % sont en attente de statut, 21 % sont sans papiers, une population particulièrement vulnérable.
Être protégé, c’est aussi avoir un toit. Or, parmi les personnes que l’on accueille, la part de celles vivant en logement précaire ne cesse de croître (30 % aujourd’hui contre 20 % en 2010). Du fait de la baisse des APL, les autres voient augmenter le poids du logement dans un budget déjà serré. Le droit français a beau consacrer le droit à l’accueil inconditionnel, le manque de places d’hébergement conduit à la rue un nombre croissant de demandeurs d’asile, mais aussi de familles, tandis que les gestionnaires du 115 rivalisent d’une triste inventivité pour gérer la pénurie.
Contribuer suppose de s’y sentir autorisé, de trouver une oreille à qui parler : être reconnu, simplement, comme un être humain digne d’intérêt. Si le Secours Catholique en appelle à la « révolution fraternelle », c’est que l’écoute reste, de loin, le premier besoin exprimé par les personnes accueillies (61 %). Mais contribuer, c’est aussi pouvoir travailler. Or, 84 % des personnes que nous accueillons (dont les deux tiers ont pourtant entre 25 et 50 ans) ne sont pas en emploi. Sur dix personnes accueillies, trois sont au chômage (un chômage qui ne cesse de s’allonger) et cette part ne risque pas de faiblir, tant la récente réforme des assurances chômage risque de faire basculer de personnes dans la pauvreté. Une personne sur dix a une inaptitude liée à la santé ou au handicap. Et une part croissante (20 %) est privée du droit de travailler. Ainsi de nombreux migrants, qui en rêvent pourtant, sont condamnés à l’oisiveté et à la misère. D’autres qui travaillent, trop souvent, ne voient pas leurs compétences reconnues.
Une terre, un toit, un travail : des « droits sacrés », selon le pape François. « Trois T » pour lesquels se lèvent, partout à travers le monde, des mouvements populaires qui méritent notre soutien. Les pauvres de France, on le voit, ne sont pas différents des pauvres venus d’ailleurs. Et l’on aurait tort de les opposer. Leurs aspirations – pouvoir contribuer à la société et bénéficier de sa protection - ont bel et bien quelque chose d’universel.
Véronique Fayet et Vincent Destival
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