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L'image véritable de l’année sainte

06 juin 2012
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Jean RODHAIN, « L'image véritable de l'Année Sainte », Rome éternelle, La Renaissance, 1950.

L'image véritable de l’année sainte

Siècles après siècles, le Sacrifice d'Abraham scande le silence des âmes.

Dans le catéchisme du faubourg, au gamin déjà trop rempli d'algèbre et d'atomes, le vicaire enseigne Abraham sacrifiant Isaac. Un jour viendra, où devenu grand-père, ce vieux gamin n'ayant plus besoin d'atomes ni d'algèbre cherchera dans la chambre close, le médecin reparti, cherchera, alors que les siens le croiront déjà sourd, les échos du bûcher d'Abraham pour se préparer au dialogue véritable avec son Créateur.

Le monde a beau multiplier journaux et haut-parleurs, bavardages et propagande, obsessions et interpellations, son bruit ne parvient pas à assourdir l'appel du Créateur. La créature finit toujours, un jour, par deviner qu'elle n'est qu'une créature. Elle dialogue avec Celui dont elle provient pour finalement, contrainte, et brisée, et consentante, Lui offrir, Lui donner, Lui sacrifier un bûcher dont chaque bois, dont chaque brindille est un arrachement, mais dont la flamme lui découvre finalement un amour incomparable. Isaac est offert, mais il est aussitôt épargné. Le Seigneur apaisé n'a voulu que l'intention affirmée. Et d'un seul coup la joie du Dieu retrouvé s'empare de l'homme ébloui. La joie éclate dans toutes les étincelles de ce bûcher. Un bûcher, une fumée, une victime, un geste, celui d'Abraham : ce geste l'homme l'a dans le sang et dans la peau ; et dans l'âme, et sans cesse il le répète depuis Adam et depuis Abel. Il le répète jusqu'à obtenir la réponse incomparable.

La communauté humaine cherche un même geste à sa mesure. Et l'Église, cette pédagogue éternelle, lui en trace inlassablement le modèle.

Tantôt elle lui dessine sur la trame de ses labeurs quotidiens, ce filigrane du sacrifice dominical présenté dans l'église de campagne. Abraham porte une chasuble. La montagne n'a plus que 3 marches, la flamme n'est plus qu'un cierge. Mais Isaac est le propre Fils de Dieu. Et la joie est à la mesure de la Victime, c'est à dire sans mesure. Pascal pleure de joie, et le fidèle moyen devenu attentif en repart bouleversé dès qu'il réalise le prix d'une messe célébrée.

Tantôt, avec cette ampleur qu'aucun royaume ne saurait concevoir, avec ce "planning" qu'aucune industrie n'oserait étaler sur cent ans, l'Église, comme un architecte du temps, partage un siècle comme un monument, et aux 4 coins de ce siècle, elle plante d'avance ses décors. Ces décors sont des bornes régulières de douze pierres. Chaque 25 ans l'Église consacre les 12 mois d'une année toute entière. Elle l'appelle l'ANNEE SAINTE.

Et sur l'année monumentale ainsi marquée, elle entend jouer pour l'humanité convoquée, le drame d'Abraham, d'Isaac, et du Créateur.

D'un geste spectaculaire l'Église devant le monde un instant attentif, ouvre une porte dans la nuit de décembre. Et cette porte ouverte en la basilique St Pierre du Vatican lui découvre le bûcher permanent.

Ce bûcher est disposé par le Bernin. Ses colonnes du baldaquin tordent leur bronze comme des fumées. La table du Sacrifice est la tombe de Pierre. Abraham est en blanc, et il pontifie depuis Pierre sans arrêt. Le bûcher ruisselle d'un sang qui vient du Calvaire.

La Trinité regarde, comme elle regardait Isaac immolé.

Ici, le peuple réconcilié mesure les dimensions vertigineuses du Dôme de Michel-Ange en même temps que celles des Indulgences : les perspectives des douleurs offertes, brûlées en commun, acceptées, transformées, partagées entre le ciel et la terre.

Ici, le peuple rassemblé pour le sacrifice découvre l'unité de son rassemblement. L'Indien, le Polonais, l'Américain, l'Esquimau et le Français ne forment pas un camp, ni une foule de rencontre : leurs yeux cherchent le même bûcher, leur voix dialoguent le même dialogue d'Abraham, et leur joie vient du même Seigneur retrouvé.

Dans ce monde asthmatique et myope pour qui le lendemain se mesure à l'aune étriquée de son journal, ici ce peuple respire et regarde à travers le temps et l'espace. Il voit dans ce bûcher Jeanne d'Arc brûlant en public et Thérèse brûlant en secret dans son cloître. Il voit la grand-mère se consumant d'usure et le missionnaire s'usant sans brûler. Il voit cachés dans le sillon du labour ou le creux de l'engrenage ses frères brûlant leurs labeurs et leurs peines dans l'inconscient bûcher des jours et des nuits. Il voit dans les reflets de la flamme les regards inquiets et brûlants et si proches du musulman et du réformé regardant vers le même bûcher.

Cette mise en clarté de la Rédemption, c'est l'ANNEE SAINTE. Pour en faire deviner la joie éclatante en même temps que les coloris des mosaïques des Catacombes ou le flamboiement du garde suisse rouge bleu et or, il fallait une famille d'imagier sachant regarder l'ANNEE SAINTE mille neuf cent cinquante sous l'éclairage du lointain bûcher d'Abraham, et donner de l'ANNEE SAINTE l'image véritable.

                                 PARIS, le 1er février 1950

Abbé Jean RODHAIN Secrétaire Général

du COMITE FRANCAIS DE L'ANNEE SAINTE

 

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