De quoi s'agit-il ?
Jean RODHAIN, « De quoi s'agit-il ? », Messages du Secours Catholique, n° 10, décembre 1949, p. 1.
De quoi s'agit-il ?
Les Campagnes des Malades, des Berceaux, puis des Vieillards, ont donc eu pour but, chaque année, non seulement d'apporter un secours matériel à une catégorie de misères, mais surtout de documenter le public. Vingt années de Campagnes, sériées avec méthode sur des sujets précis, devront réaliser, à la longue, un véritable travail pédagogique. Les enfants de l'école comme les adultes du quartier auront peu à peu une connaissance plus précise des misères, et des oeuvres spécialisées pour chacune de ces misères. Finalement, chacune de ces oeuvres : Orphelinat, Conférence de Saint‑Vincent‑de‑Paul, Croix‑Rouge, trouvera un public plus attentif à ses appels. Et ceci n'est pas un travail d'archiviste desséché. Le cortège de l'Offertoire au Congrès Eucharistique de Nancy a montré à quelle source jaillissante ce travail s'alimentait.
La Campagne de cet hiver a pour objet l'Enfance malheureuse.
Aussitôt le public songe au petit paralysé, allongé dans son lit d'hôpital.
Puis il y associe l'image du poupon abandonné que l'on confie à une oeuvre. Puis, il songe que les 60.000 enfants délinquants font partie de la catégorie. Et si on le documente, le public totalisera les sans‑famille, les « petits de l'Assistance », les caractériels qui font le désespoir de l'assistante sociale.
En fixant davantage son attention, chacun découvrira, dans sa propre rue, le petit infirme dont les parents sont si honteux qu'ils ne le montrent pas (alors que peut‑être des soins adaptés pourraient l'améliorer).
Ce sera le contact avec la misère proche en même temps qu'avec les spécialistes trop isolés. Orphelinats et Bons Pasteurs accomplissent un effort remarquable pour moderniser leurs méthodes, pour spécialiser leurs maisons : ce travail serait plus facile s'il était encouragé par un public informé.
Il y a 28.000 enfants grecs enlevés par Markos, puis déportés au delà du rideau de fer. Depuis quinze mois, aucun n'a plus donné signe de vie à sa famille. Il y a, dans l'Attique et le Péloponnèse, confiés par les familles affolées, 80.000 enfants grecs dans des camps. J'ai visité ces camps, cet été : « Ces camps d'enfants »... Combien de paroisses françaises ont-elles prié pour ces cent mille enfants ?
Il y a sur le sol c'est‑à‑dire sur le sable (et sur le sol) les milliers d'enfants entassés parmi les 800.000 humains réfugiés de Palestine. J'ai visité ces enfants à Baalbeck, à Damas, à Jéricho, à Samarie, à Bethléem. Est-il possible aux familles françaises de fêter Noël, de fêter Noël en famille sans désirer, du même coup, regarder autour de la crèche, ces milliers d'enfants entassés à Bethléem.
Enfants du quartier, enfants grecs ou arabes : il s'agit de faire connaître leur situation réelle. Ensuite de les aider dans la mesure du possible, en passant par des oeuvres existantes.
Au moment où le Souverain Pontife ouvre l'Année Sainte en lui donnant comme intention les oeuvres de charité et les Lieux Saints, il est consolant de voir les efforts de tous se concentrer sur un objectif qui harmonise à la fois la Charité, l'Enfance et Bethléem.
La Campagne de l'Enfance malheureuse est ouverte...
Abbé Jean RODHAIN