Du réel
Jean RODHAIN, "Du réel…", Messages de l’aumônerie générale, n° 3, 25 mars 1945, p. 1.
Du réel...
Vous gémissez parce que ce centre d’accueil n’est pas au point ? Vous insinuez que tel organisme n’est pas assez efficace ? Vous murmurez que les prisonniers seront déçus...
Ils seront déçus d’abord par vos murmures, et vos insinuations, et vos gémissements.
Parce que, même si tout le mécanisme du rapatriement de l’accueil était au point, ce mécanisme serait dépassé par la misère des absents, misère qui dépassera toutes les prévisions. Même quand des architectes ont tout prévu, leurs calculs sont déjoués par un tremblement de terre. A ce moment-là, on cesse de critiquer les architectes, et tout le monde se met au travail.
Le moment est venu où la situation de nos absents sur les routes de l’Est risque d’être hors de proportion avec ce que vous imaginiez. C’est le moment de se mettre chacun au travail.
Dans votre quartier, vous avez déjà obtenu combien de chambres pour loger les rapatriés ? La liste de vos voisins, qui accepteraient de prendre à leur table un déporté pendant huit jours, l’avez-vous préparée ? Tous les délégués de votre œuvre, de votre œuvre qui fait tant de bruit, vous les avez bien minutieusement alertés n’est-ce pas sur ce problème de l’accueil ?
Il y a une immense bonne volonté dans toutes les familles de France pour aider nos absents : vous qui parlez tant, mettez-vous au travail pour cristalliser cette bonne volonté. Les absents reconnaîtront votre arbre à ses fruits. Et voici le moment de les présenter.
Jean RODHAIN