Voici la grotte
Dans le livret des pélerins du 8 septembre 1946, Jean Rodhain introduit le pélerinage en chargeant symboliquement quelques lieux-clés de Lourdes.
"Voici la Grotte", Pèlerinage des Prisonniers de guerre, septembre 1946.
Voici la Grotte
Ce train, Camarade, ce train qui roule maintenant vers Lourdes vient de ranimer combien d’images : après une année, elles sont déjà des « Souvenirs ». Ce compartiment, c’est le Kommando d’hier, avec sa vie communautaire... Ce couloir de wagon où tu recherches ton camarade, c’est le corridor étroit du centre de rapatriement où tu t’attardais pour essayer de dire les mots d’adieu, que tu ne trouvais d’ailleurs pas au camarade de cinq années..
Il y a de cela quinze mois déjà.
Pour la première fois depuis le retour, des milliers de compartiments semblables convergent vers un même lieu. D’autres rapatriés t’ont déjà précédé à Lourdes. D’autres n’ont pu venir : tu es leur délégué véritable. C’est le point final du rapatriement. Ta famille, et toutes les familles de France avec elle, regarderont vers ce lieu, dimanche à la même heure.
VOICI LA VILLE : des équipes de rapatriés ont travaillé depuis des mois pour tout préparer, pour t’accueillir. Je les ai vus à l’œuvre ; ils ont fait tout ce qu’ils ont pu pour toi...
VOICI LA PRAIRIE : aménagée comme un vaste camp où les captifs se rassembleront, répartis suivant les régions de leur captivité - symbole de leur communauté d’hier.
VOICI LE GAVE : au bord de la prairie, ce gave qui sera traversé comme le gué symbolique, passage de la vie captive à la vie libre, le chrétien servant son Seigneur étant finalement le plus libre des hommes...
VOICI ENFIN, APRES LE GAVE, LA GROTTE : tu te souviens de cet instant, dans cette baraque du Stalag III D, ou bien sur la place d’appel de Buchenwald, où tu t’es dit : « J’irai » ? Tu y es...
VOICI LA GROTTE ET NOTRE-DAME DE LOURDES.
Tous les autres aspects du voyage s’effacent. Toutes les consignes s’estompent. C’est le moment de la prière libre et vraie.
Quelle prière ? Quelles intentions ?
Cela te regarde seul. Tu es un homme devant la Vierge Marie. Tu es un homme libre. C’est pour cette minute là que tu es venu. C’est l’instant de ta prière. Cela seul compte.
Confiance.
Jean RODHAIN
Aumônier des Prisonniers