Lettre à un curé étonné par nos imprimés
"Lettre à un curé étonné par nos imprimés", Bulletin de liaison du Secours Catholique, n° 12, 15 décembre 1947, pp. 20-21.
Lettre à un curé étonné par nos imprimés
Cher monsieur le Curé
Merci pour votre collecte, pour votre envoi, mais merci deux fois pour vos remarques.
Votre lettre me dit votre étonnement à la réception de nos imprimés. Vous auriez préféré que nous économisions l’impression d’un tract et d’une affiche.
Nous aussi.
Le fermier qui s’installe préférerait lui aussi consacrer toutes ses ressources à l’achat de son blé. C’est le cœur gros qu’il se résigne à l’acquisition d’une charrue, à l’embauchage d’une main d’œuvre pour défricher une terre inculte. Pendant l’arrachage des souches, des buissons et des ronces, il soupire sur le coût de ce premier sillon. Il lui tarde de voir son argent et sa peine uniquement consacrés au grain enfoui, germé, fructifié et récolté. Son regard est déjà planté sur le second printemps : alors les frais généraux seront moindres, et il emboîtera enfin le rythme divin du sillon et du grain germé, du soleil et de la farine blanche. Le grain porte fruit en terre, mais en terre cultivée seulement.
Ainsi en est-il pour le Secours.
Dans le diocèse de Z., les fidèles - et ils ont raison - n’ont aucune envie de donner dans la nuit. Il faut défricher l’opinion. Il faut expliquer le travail. Pour ce premier sillon à creuser, le clergé réclame l’outillage indispensable. Cela provoque une dépense. Cette dépense je la regretterais autant que vous si je n’espérais point que l’année suivante, dans un terrain ainsi travaillé, les secours germeront. Comme dans le diocèse de S.B. par exemple.
C’est un diocèse de l’Ouest. Depuis un an, l’Évêque lui-même a provoqué dans tous les doyennés la création de comités de Secours Catholique. Il y a partout un correspondant paroissial : avec le curé il cristallise les secours et les distributions. Ici, pour une campagne à lancer plus n’est besoin de paperasses. Vingt lignes dans la « Semaine Religieuse » suffiront dans ce terrain préparé, pour alerter doyennés et paroisses. D’emblée, tout le fruit de la récolte reste sur place pour les misères locales. Le surplus va aux misères lointaines. Il n’y a plus besoin d’imprimés persuasifs pour expliquer le premier labour. On en est déjà à la vie productive.
Le délégué paroissial du secours qui, en liaison avec le curé, et en plein accord avec Conférences de Saint Vincent de Paul et J.O.C.F., Scouts et Religieuses garde-malades, cristallise les questions de misères et de secours, simplifie du même coup le problème. Il y a un travail réel. Il y a une équipe. Un mot de liaison suffit, et c’est avec bonheur que nous supprimerons alors, pour cette paroisse, tous imprimés.
Excusez-moi d’avoir employé des comparaisons agricoles. Mais je ne suis point parisien. Il y a peu de temps, j’étais encore curé d’une paroisse campagnarde de 110 habitants. C’est vous dire combien je comprends vos réactions. J’en ai reçu quelques autres d’ailleurs. Elles proviennent aussi de curés de campagne. Je les joins à ma réponse.
Et je vous prie d’agréer, Monsieur le Curé, mes vifs remerciements in X°.
Le Secrétaire Général
Abbé Jean RODHAIN
(1) Et alors, qui sait si vous, même vous, cher Monsieur le Curé, pressé, bousculé par vos propres paroissiens, il vous arrivera de nous demander, tout de même, de la documentation. Et je crois même que pour la prochaine « Campagne des Berceaux » - où il n’y aura pas de quête - où tout sera distribué sur place, votre délégué paroissial est sur le point de nous écrire pour obtenir des détails.