Le délégué devant la crèche
Jean RODHAIN, « Le délégué devant la crèche », Bulletin de liaison du Secours Catholique, n° 13, 15 janvier 1948, p. 2.
Le délégué devant la crèche
L’Avent nous avait conduits parmi les Prophètes. Leurs piquées dans un brouillard millénaire, ces Prophètes sont comme des phares à éclipse dans une brume de trente siècles. Trente siècles pour épeler Dieu, trente siècles pour balbutier l’alphabet de la grâce, trente siècles où des millions de justes ont piétiné et sont morts sans apercevoir autre chose qu’une lueur incertaine sur un lointain Messie.
A l'attente des fidèles de ces temps anciens, comparons nos trésors actuels.
Le dernier du catéchisme connaît la Crèche, la Croix et l’Eucharistie : ce sont des clartés éblouissantes qui auraient fait crier de joie Isaïe et plongé Jérémie dans des heures de ravissement.
Chaque page de Missel ferait chanter cent psaumes nouveaux à ce David qui pour sa psalmodie antique n’avait que l’annonce et le présage des réalités dont nous jouissons.
Un seul chapelet avec ses mystères, est une noria qui remonte à notre esprit une eau pétillante d'épisodes et d’images et de consolations dont l'Ancien Testament a eu soif, interminablement.
Comparer l’attente d'Abraham ou la lente espérance de Melchisedech avec les réalités d’une seule Messe. Habitués, trop habitués au quotidien, savons-nous l’apprécier ?
Si le sacrifice de la Messe n'était célébré qu’une seule fois par an : le Vendredi saint, en un seul lieu, à Rome, comme il serait apprécié ! Que de Pèlerinages organisés pour y assister ! Qu'elle attente depuis Janvier jusqu’en Mars dans le monde entier attentif à ce rare mystère. Quels désirs chez chacun d’être, une fois au moins dans sa vie, le témoin privilégié du Sacrifice annuel.
Devant la crèche de notre paroisse, auprès de la messe quotidienne, comparons la famine spirituelle de l’Ancien Testament à notre abondance.
Comparons et apprécions.
Apprécions et rendons grâces.
Jean RODHAIN.