Un merci à réaction
« Un merci à réaction », Messages du Secours Catholique, n° 5, juin 1948, p. 1.
Un merci à réaction
Otto est un Autrichien. Nadia est Polonaise. Ce jeune foyer actuellement placé dans une ferme par une Délégation de province travaille dur, et attend paisiblement son premier enfant.
Seulement, il y a trois mois ce jeune ménage a été littéralement « ramassé » par notre personnel à l’entrée de notre chapelle. Nadia était écroulée dans l’escalier. Et la raison exacte et vérifiée, c’est qu’ils mourraient de faim. Échappés sans papiers au delà du rideau de fer, ils arrivaient ici, sans savoir le français, mais avec une feuille de papier portant au crayon l’adresse du Secours Catholique.
Dans certains pays lointains, on connaît donc cette adresse comme un point de secours. Tant mieux pour les Nadia et les Otto. Mais les Pierre et les Jeannette de chez nous ?
Combien, dans chaque paroisse de France, combien y a t il de paroissiens qui connaissent l’adresse de leur Délégation comme le point où une équipe agissante est prête à les orienter vers un secours efficace ? Comme le point où automatiquement ils apporteront de l’aide, parce qu’ils ont vu cette équipe à l’œuvre ?
Combien ? Et cependant l’opinion guette votre réponse.
Cette inconnue vient nous dire : « J’ai reçu une layette inespérée pendant la Campagne des Berceaux, je voudrais "devenir du Secours Catholique". Mais je suis trop pauvre pour payer une adhésion. Je vous offre deux journées complètes où je viendrai vous aider à faire les paquets... »
Ce débardeur hollandais a reçu, il y a trois semaines, un costume usagé prélevé sur un don canadien. Il revient. C’est évidemment pour demander autre chose. Non pas. Il tient absolument à remercier le Secours, et comme il ne peut rien donner d’autre, il vient offrir quelques heures de travail.
En vérité, en vérité, ceux là passeront les premiers dans le Royaume des Cieux.
Sans faire d’enquêtes coûteuses, les quatre pages de ce « Messages » vous dévoilent uniquement de ces gestes, et ils sont les vôtres. C’est grâce à votre adhésion que 480 enfants ont pu rejoindre la Portugal, et que 2 000 autres vont aller reprendre vie en Belgique. Je viens de visiter les bagnards de l’Île de Ré. Les quelques secours qui provoquaient leurs mercis venaient de vous tous. Les secours au choléra en Egypte, c’était vous. Aux inondés de l’Est de même, c’était votre cotisation, votre adhésion, votre aide personnelle surtout.
Mais il y a à côté de vous un voisin qui en fera autant. Il n’attend que l’occasion. Le chiffre des enfants secourus sera multiplié exactement par deux, le résultat actuel sera doublé si chaque lecteur de « Messages » en trouve un second.
Tout cet article ne contient point, j’en conviens, de profonde pensée ni une seule once de philosophie. Les simples secours à la misère font descendre chacun des hommes depuis les sommets métaphysiques vers ce chemin creux, encombré de paralytiques et d’aveugles et d’inquiets. Seul chemin où chacun rencontrera finalement le Divin guérisseur qui y chemine inlassablement. Que dans ses gestes, dans son objet, dans sa préoccupation, le secours reste « simple » comme l’Évangile.
Au lieu d’un merci vous préférez, je le sais, cet appel simple. Le Secours aura la simplicité de l’Évangile parce que chaque lecteur voudra faire ce geste simple : un adhérent de plus. Merci.
Jean RODHAIN