Le Cardinal
Jean RODHAIN, « Le Cardinal », Bulletin de liaison du Secours Catholique, n° 30, juin 1949, p. 1-2.
Le Cardinal
La Caritas Allemande a envoyé au Siège Social du Secours Catholique une longue lettre exprimant combien elle comprenait notre très grande peine.
Elle a vu juste.
Parce que quand on écrira l’histoire vraie du Secours Catholique on devra dire combien il fut l’œuvre de Son Eminence le Cardinal SUHARD.
En 1940, c'est lui qui au moment où tous les responsables se dérobaient, c’est lui qui prit la responsabilité de cette Aumônerie des prisonniers et demanda à chacun des diocèses de la reconnaître officiellement. Les initiatives de cette aumônerie, le million de volumes expédié, les colis, les visites, les adoptions de camps, n'ont été ensuite que les traductions dans le concret d'une telle sollicitude pour les prisonniers que leur Aumônier Général était convoqué presque journellement par Son Eminence.
En 1942, le recrutement dans les diocèses et l'envoi en Allemagne des 25 prêtres de l'Aumônerie clandestine des déportés ont été l'œuvre directe de Son Eminence. La Gestapo, à chaque arrestation de ces prêtres le savait bien en trouvant sur chacun d'eux l'ordre de mission signé de la main même du Cardinal Archevêque de Paris.
Démarches de protestation contre les déportations, préparations des Missions Vaticanes, demandes d’intervention au Vatican au sujet des déportés : on connaît à peine dans le public cette sollicitude directe de l'Archevêque de Paris dont j’ai été le témoin continuel pendant quatre années.
Et en 1946, c’est le Cardinal qui a plaidé devant les diocèses pour la création du Secours Catholique : « Attendez cinq ans, et l’unanimité comprendra pourquoi il fallait le Secours Catholique » répétait-il encore il y a 3 mois à un visiteur étranger. Et c'est lui qui devant les hésitations du début a demandé avec un entêtement inlassable de faire confiance à cet essai auquel il tenait tant et dont en France et même dans son entourage immédiat certains ne comprenaient pas grand chose. Il y tenait si bien qu'il s'y intéressait en détail, voulant être renseigné sur tout en l’étant souvent plus qu'il ne paraissait.
Mais sa plus précieuse sollicitude était encore celle des conseils. Combien de fois, malgré les visiteurs remplissant le salon d'attente, et malgré l'heure avancée ne s’est-il pas attardé très longuement pour donner au Secrétaire Général du Secours Catholique ses directives personnelles et singulièrement précises. Il revenait sans cesse sur la nécessité pour le Secours Catholique de chercher un recrutement d’éléments jeunes, et hardis, et audacieux. Aux Journées d'Études de l'an dernier le Cardinal avait étonné tout l’auditoire par son insistance à demander aux délégués d’aller de l’avant, hardiment, Ce n’était que le refrain d’un désir sans cesse répété. Et souvent cette première page du Bulletin n'a fait que transcrire des invitations à l'audace qui provenaient de celui qui voulait un Secours Catholique audacieux dans la Charité,.
Le Cardinal est le Grand Fondateur du Secours Catholique.
Nous ne pourrons pas oublier ses intentions.
Abbé Jean RODHAIN