Les questions sont source de clarté
Jean RODHAIN, « Les questions sont source de clarté », Bulletin de liaison du Secours Catholique, n° 26, février 1949, p. 1-2.
Les questions sont source de clarté
Dans un comité International chargé d’une « exposition de la Charité » on discute sur le sujet du stand principal. « Faut-il un diorama représentant le Christ guérissant un malade ? ou un graphique avec la statistique de ses miracles en Galilée ? »
Ni l'un Ni l’autre. Le Christ a été Bienfaiteur non pas le jour où Il a guéri dix lépreux, ni le soir où Il a donné la vue à un aveugle. Il a été surtout Bienfaiteur lorsqu'Il apprit à des millions d'hommes à aimer les lépreux, les aveugles, et leurs millions de frères. Dans cette Exposition de la Charité, le premier stand à présenter, c'est la Crèche, ou la Croix : C’est l'Exposition de tout. Bien des municipalités, bien des syndicats peuvent fournir des statistiques sociales que nous n'atteindrons jamais. Mais il leur manquera ce « quelque chose » qui dépasse toutes les aumônes.
« Alors si l'Entr'Aide Française est diminuée, automatiquement le Secours Catholique va la remplacer : c’est la même chose n’est-ce pas ? »
Non, ce n'est pas la même chose. Dans la dernière des paroisses le délégué du Secours Catholique n’est pas seulement celui qui aide. Il est surtout celui qui prouve, qui démontre, qui rappelle, qui évoque la Charité du Christ. C’est un médecin, mais un médecin contagieux. Ce n'est pas une course aux bilans et aux statistiques. C'est un apprentissage, une pédagogie, une contagion. Il s'agit d'intéresser toute la communauté à la misère. Une année les malades. Une année les vieillards. Et ainsi de suite. Il faudra 10 ans. Il faudra 20 ans de travail pour cela. Mais le fidèle qui, année par année, sera passé chaque carême par ce cycle liturgico-charitable aura une connaissance de chaque misère. Il aura aidé ? peut-être. Mais il aura trouvé quelque chose de plus : il aura certainement compris une à une, toutes les misères. C'est ce « quelque chose » que nous voulons obtenir.
« Avouez, me dit-on enfin, avouez que ces tirelires (encore elles…) ne sont simplement que des jouets ingénieux. Editées par ce grand magasin ou par ce savon célèbre, elles seraient des primes pittoresques. »
Non, je n’avoue pas. Non, je prétends que ces tirelires (encore elles…) elles sont « quelque chose » d'autre : une occasion d'apprendre doucement, sérieusement, tendrement, à un homme de 8 ans qu'il en aura un jour 80. Une occasion de lui faire deviner que même ce vieux chômeur mal peigné et bourru, est exactement son très proche parent, parce qu'à la fin de ce carême, une croix sur un Calvaire le lui découvrira.
Si le carême des enfants est de remplir les tirelires, votre carême, à vous, sera peut-être de les diffuser. Excellente Pénitence : sans danger pour la santé. Excellente occasion pour chacun (le mot « vieillard » est facile à prononcer tant qu’on suppose ne pas l'être encore...) de regarder vers l’avenir, et à propos des « Maisons du Grand-Père » de méditer sur la « Maison du Père » qui nous attend : Devant cette maisonnette méditez : Dans le Secours Catholique, dans ses tirelires, il y a toujours, en plus, ce « quelque chose ».[1]
Abbé Jean Rodhain
A Rome
Je suis envoyé à Rome par le Comité Français de l'année sainte pour y prendre les directives du Vatican en vue du Jubilé.
J’y pars ce soir.
Je dirai certainement une Messe aux Catacombes. Elle sera célébrée pour toutes les délégations qui accomplissent actuellement ce travail souterrain en vue de l’union de tous au service de la Charité.
J.R.
[1] Extrait d’un discours adressé par S.S. Pie XII le mardi 18 janvier 1949, à M. J.D. Zellerbach, chef de la mission spéciale des Etats-Unis pour l’Italie, accompagné de ses collaborateurs et fonctionnaires :
La spiritualité des œuvres d’assistance. « Pour mener à bon terme les œuvres de secours ou de reconstruction, il faut bien tenir compte de leur but : ce n’est pas seulement le soulagement des souffrances physiques, et l’aide économique, mais aussi, par ces moyens, le développement de la vie spirituelle et de la pratique des vertus, pour que, avec la grâce de Dieu, les cœurs s’élèvent vers leur Créateur céleste, auteur et maître de toutes choses. »