Voyage express à Rome
Jean RODHAIN, « Voyage express à Rome », Bulletin de liaison du Secours Catholique, n° 33, octobre 1949, p. 1-2.
Voyage express à Rome
La Mission à Bethléem confiée par l’épiscopat au Secours Catholique comportait finalement un compte-rendu à Rome.
A l’approche de l'Année Sainte, les Romains bâtissent et nettoient. Autour de Saint Pierre, échafaudages et bétonneuses symbolisent les centaines d'hostelleries en construction. Il n’y a plus un seul enfant mendiant sur les trottoirs. La police civile a déjà revêtu des uniformes de gala. On cherche à présenter une ville « convenable ». Pour vêtir les affiches de cinéma, toutes les Romaines semblent s’être privées d'une partie de leur costume. Tout au moins sur les murs le résultat de cet échange est réellement édifiant.
Les audiences à Castel Gondolfo procurent d’abord le charme d'un acheminement parmi les ruines d’une campagne romaine adoucie par tous les pastels de l’automne. En arrivant en cette célèbre bourgade, le Français logicien qui a voulu immédiatement pousser au tragique[1] les applications des décrets du Saint Office est stupéfait d’apprendre que le maire de Castel Gondolfo, lui même qui fait le discours d’accueil du Saint Père, est un authentique communiste.
Voici le Pape - S.S. Pie XII n'a plus le visage anxieux de février, au moment du procès Midzensty. Avec une attention pleine de bienveillance il interroge sur Bethléem, sur le Secours Catholique. L’audience est courte mais les consignes sont nettes : « Travailler, continuer, prier », avec un accent prolongé sur la misère, et un sourire étonnant chaque fois qu'il évoque la France.
La Ville Eternelle découvre à chaque voyage un aspect nouveau de son décor de marbres où chaque pierre marque un siècle. Depuis l’admirable belvédère du Palatin, on mange des yeux cette féerie du soleil se couchant dans le cadre de St Pierre, tout en songeant que demain une demie-grenade atomique peut effacer tout cela pour toujours. On serait confus de savourer seul tant de richesses s'il n’y avait pas à l'horizon du calendrier la joie de juin 1959 où enfin je pourrai expliquer cette ville, clef de la chrétienté, à toutes nos délégations réunies.
C’est le Président actuel d’une de nos délégations diocésaines du Secours Catholique qui, par un don royal fait au Pape en 1939, a permis d’entreprendre les fouilles de Saint Pierre. C’est une raison pour obtenir le privilège de les visiter malgré toutes les consignes.
A 17 mètres sous le sol de la basilique, dix années de cheminements souterrains ont peu à peu dégagé une nécropole intacte. C’est une suite étonnante de nécropoles romaines avec leurs peintures et leurs sculptures plus fraîches encore qu’à Pompéi. Tout est païen. Une seule tombe porte une épitaphe chrétienne. Et ce chemin parmi les tombes a dû être suivi en secret par les premiers chrétiens allant prier près de la tombe du premier Pape. Car Saint Pierre a vraisemblablement été inhumé à deux pas d’ici, dans le caveau d’une famille bienveillante.
Tout le sens de l’Église est ici à sa source même. Petit troupeau, elle sera toujours la minorité cachée travaillant non en volume et en quantité, mais en foi et en attachement à l’Évangile.
Préparons le Pèlerinage au tombeau de Pierre en cheminant plus profondément dans l’Évangile de la Charité : c’est le sens du travail en cours dans chaque délégation
Abbé Jean RODHAIN
[1] Au grand étonnement des autorités vaticanes, d’ailleurs ...