Ex-voto
Jean RODHAIN, « Ex-voto », Messages du Secours Catholique, n° 41, juillet-aout 1954, p. 1.
Ex‑voto
VOUS l'avez déjà reçu, ce visiteur inquiet. Il est venu vous voir à l'improviste. Il a parlé de l'été qui n'est pas un véritable été. Il a maladroitement abordé deux ou trois sujets d'actualité avec des phrases manifestement inspirées du journal d'hier soir. Il a parlé comme quelqu'un qui a peur d'un silence et qui veut éviter une question. Vous n'avez pas osé l'interroger davantage sur l'objet de sa visite, par discrétion bien sûr, et par timidité surtout. Il a parlé de plus en plus machinalement en terminant sa visite. Et, à la porte, au moment de vous quitter, brusquement, il a "sorti" son cas : il avait besoin ‑ pour lui-même, ou pour son voisin ‑ de tel service délicat.
Ainsi, en ce journal, sept pages vous entretiennent des charités de partout. Mais, ce n'est qu'à la dernière page, au moment de vous quitter, lecteur, que, toute timidité surmontée, MESSAGES ose vous présenter ses « cas ». Ils ont été choisis parmi des centaines péniblement éliminés. Et, depuis cinq ans, vous répondez à cette huitième page avec une rapidité, avec une abondance inlassables. Une rapidité qui permet dans huit jours de régler chaque misère ainsi présentée. Une abondance qui rejailli jusque sur d'autres cas semblables qui attendaient leur tour. Plus de dix millions de francs sont ainsi transmis chaque année de votre part. Nous les envoyons par l'intermédiaire de nos comités diocésains ou des oeuvres sérieuses qui ont étudié, contrôlé et présenté chaque cas.
Merci. Merci.
Actuellement, beaucoup de ces cas sont présentés par le service social de notre Cité‑Secours. C'est normal, car cette Cité est véritablement le laboratoire où vient se mesurer la misère. Une de ses responsables, ayant un long passé de travail social, m'avouait l'autre soir, les larmes aux yeux, n'avoir reçu dans son après‑midi que des « cas » insolubles. Ni le romancier, ni l'écran ne peuvent imaginer les confidences ‑ contrôlables ‑‑ de ceux que l'hôpital, ou la prison, ou simplement l'engrenage quotidien ont littéralement mis aux abois.
Alors c'est pour eux, pour les accueillir, que nous entreprenons la Cité‑Secours en "dur". Pour acquérir cet édifice, nous sommes au stade des démarches administratives, des bureaux, des dossiers, des formalités légales. Les sages et les prudents exigent, avec raison, que les sommes promises correspondent aux dimensions de l'immeuble. Mais comme je veux ouvrir avant l'hiver, avant l'hiver qui, lui, sera terriblement exact au rendez‑vous de décembre, alors je tends la main, je quête..
Pour l'Année Mariale, je vous en prie, pas d'ex‑voto, pas une plaque de marbre, ni une statue, ni un monument gigantesque.
Lisieux aura beau multiplier les ors et les mosaïques, il lui manque encore quelque chose d'essentiel : une esplanade et une basilique : mais ce sont les piscines, l'asile des malades et le cortège incessant des infirmes avec leurs brancardiers qui nous crient l'Évangile à Lourdes.
Pour l'Année Mariale 1954, la Maison des Pauvres : la Cité‑Secours, sera votre ex‑voto.
Mgr Jean RODHAIN,
Secrétaire général de l'Année Mariale.