Faut-il envoyer sans mesure ?
Jean RODHAIN, « Faut-il envoyer sans mesure ?… », Messages du Secours Catholique, n° 42, septembre 1954, p. 2.
Faut‑il envoyer sans mesure ?
Paris, le 26 septembre 1954.
Chère Madame,
Ce soir, dimanche 26 septembre, voici l'énorme collecte nationale pour Orléansville terminée. C'est très bien. Vous me téléphonez pour me proposer encore deux paires de draps jours pour là-bas. Je dis non.
Si j'étais sur place, il est probable que je réclamerais davantage. Voyez ci‑contre l'appel de notre délégué spécial à Orléansville. Il est insatiable. Et cependant pour les douars du chélifff il avoue que les lits européens, et à fortiori les draps ajourés sont inutilisables.
Mais je suis à un Comité International bien documenté où je dois comparer froidement les situations. Voici le bilan magnifique réuni pour Orléansville : Deo gratias. Mais à côté voici les 500.000 réfugiés du Vietnam. Voici encore l'énorme dossier des sinistrés de l'Inde. Et sur la table tous les appels, depuis ceux des affamés du Sahara, jusqu'aux suppliques des orphelinats du japon. Il faut être juste. Gouverner, c'est d'abord choisir...
Mais, chère Madame, vous habitez le XVI‑ arrondissement à Paris (France). Vous aviez déjà, avant‑hier, envoyé douze couvertures pour l'Algérie. Alors ‑ puisque vous sollicitez délicatement mon avis ‑ je vous réponds : «Souvenez‑vous de l'hiver dernier à Paris. Les paroissiens catholiques de Paris avaient‑ils un asile permanent pour accueillir les pauvres gens?»
Pour l'hiver prochain qui arrive vite, d'admirables équipes parisiennes se privent et travaillent d'arrache‑pied.
Tout sera prêt. N'oubliez pas le Paris de cet hiver et sa Cité‑Secours.
Chère Madame... Merci.
J. RODHAIN