La charité est prosaïque
Jean RODHAIN, « La charité est prosaïque », Brochure de la Journée Nationale 1954, feuillet 6.
La charité est prosaïque
I. Au Musée du Prado à Madrid, une salle est entièrement dominée par l'immense tableau du Tintoret : « Le lavement des pieds ». Sa composition vaut une méditation. Les quatre cinquièmes de cette surface sont occupés par les alentours de ce geste divin.
Aux premiers plans, quelques Apôtres se déchaussent, c'est-à-dire qu'ils enlèvent non pas leurs sandalettes, mais leurs « chausses » semi-pantalons. Il faut qu'ils s'aident les uns les autres, car c'est toute une opération. D'autres procèdent à l'essuyage. Dans le fond, trois d'entre eux sont autour d'une table. L'un rêve à ce qui vient de se passer. Les deux autres sont visiblement déconcertés. Au lieu de ce Roi glorieux qu'ils attendaient, Celui qu'ils ont suivi est donc descendu à ce métier, à ce service. Ce Roi, ce serait donc cet homme accroupi, les mains dans un baquet, lessivant les jambes, et la cheville, et le pied de Mathieu ou de Pierre.
II. Le lavement des pieds du Jeudi Saint n'a pas été un geste symbolique, comme celui de l'Aspersion où, avant la grand-messe, un célébrant l'air confit distribue de loin à 600 personnes trois gouttelettes d'eau bénite.
Cela n'a pas été une « cérémonie »,
Cela a été un travail, un service rendu,
Cela a été un travail très prosaïque.
Et ceci quelques minutes avant l'Institution de l'Eucharistie, avant la première Messe et la première Ordination.
III. Méfions-nous des phrases trop belles, des émotions trop suaves, des airs trop distingués, des attitudes trop « comme il faut ».
Le Seigneur veut être aimé comme il nous a aimés...
J. R.