Examen de conscience
Jean RODHAIN, « Examen de conscience », Messages du Secours Catholique, n° 62, novembre 1956, p. 1.[1]
Examen de conscience
Le Secours Catholique ne dira jamais assez sa reconnaissance à tous ceux qui lui font confiance : abonnés à ce journal, donateurs de la quête du 18 novembre, pourvoyeurs de «cas», bienfaiteurs ignorés de nos petits comités paroissiaux. C'est vous les véritables auteurs de nos réalisations. A tous, merci.
C'est magnifique, cet élan. Oui, mais les autres. La reconnaissance vis-à-vis de ceux qui donnent ne me conduit point à l'aveuglement. Et je dis : « Ce sont toujours les mêmes qui donnent. Et les autres, ceux qui pourraient donner cent fois plus, ne donnent rien. »
Chaque fois que l'avion revenant de l'étranger s'apprête à survoler la France, on la reconnaît sans cartes ; c'est un véritable jardin qui parait à travers le hublot, un jardin fertile qui n'a pas son pareil au monde. Un jardin pour l'instant sans chômage, et où les jardiniers peuvent verser sans broncher à un Etat qu'ils critiquent sans cesse, plus de 300 milliards, parce que ce pays est celui qui possède chez ses particuliers les plus fortes réserves d'or du monde entier. J'avais hier dans mon bureau un Canadien qui nous aime bien. Il repartait un peu étourdi par un mois de séjour ici : « Vos cinémas et vos théâtres ne désemplissent pas. Dans tous vos restaurants, on mange avec surabondance. Vous paraissez bien plus riches que les autres pays. »
Je lui expliquai que cette richesse énorme était mal répartie. Les uns ont trop et amassent encore plus. Les autres n'ont pas assez et travaillent dur sans pouvoir se loger[2] .
Je n'ai pas osé ajouter - car ceci reste un secret de famille - que nous n'avons pas lieu d'être fiers ni de nos Cités-Secours ni de l'ensemble des réalisations charitables. Le peuple qui a bâti les cathédrales devrait, en 1956, réaliser dix fois plus pour la charité. Il le pourrait si les yeux s'ouvraient.
« Dieu nous demande avec violence, à nous qui avons chaud dans nos maisons trop grandes et nos vêtements bien taillés, à nous qui mangeons à notre faim plusieurs fois par jour, de vêtir ceux qui sont nus, de loger ceux qui sont dans la rue, de nourrir les affamés »[3]
Voilà pourquoi, à l'entrée de l'hiver, sans rougir, je tends la main.
Mgr J. RODHAIN,
Secrétaire général du Secours Catholique.