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Les diacres de l’âge atomique

17 juin 2017
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Jean RODHAIN, "Les diacres de l’âge atomique", Informations Catholiques Internationales, n° 26, 15 juin 1956, pp. 3-4.

Les diacres de l’âge atomique

par Mgr Rodhain

Est-ce que la Communauté Chrétienne adapte sa Charité aux dimensions de ce troisième Millénaire dont l’aube se dessine aux premières lueurs de l’atome ?
Je réponds : « Cette adaptation commence timidement, mais elle commence déjà. »

1° Depuis cinquante ans, l’humain moyen connaît un peu mieux l’humanité. Avion et radio l’éveillent au sens international. Il y a trois cent cinquante ans, après les calamités de Strasbourg, un bateau de secours suisse descendu au fil du Rhin arrivait le lendemain à Kehl, et cela fit sensation comme signe fraternel. Aujourd’hui, une heure après l’annonce-radio d’un sinistre aux antipodes, vingt familles nous téléphonent des offres de secours.

On a complimenté le « Secours catholique » pour son avion spécial apportant en quelques heures des tonnes de couvertures aux victimes des récentes inondations du Liban : cet avion n’avait rien de remarquable. Il a mis d’Orly à Beyrouth le même temps que les avions quotidiens d’Air France. Il eut été lamentable d’employer ici des moyens de transports du XVe siècle. Ce qui était remarquable ce n’était point la vitesse de l’avion, c’était sa cargaison formée de l’apport régulier de multiples donateurs. La Communauté Chrétienne s’habitue à réaliser des gestes dépassant les dimensions de son horizon local. C’est normal.

Après le monde des affaires et celui du tourisme, le monde de la Charité s’adapte peu à peu aux dimensions 1956. Il y a progrès. Mais, avouons-le, c’était un progrès facile à réaliser.

2° Si ces dons et leurs transmissions sont en progrès, le fidèle ne saisit pas encore les structures internationales qui en dix ans ont révolutionné les travaux de la Charité.

Je prends deux exemples :

Après les accords de Yalta et de Potsdam, il y a eu en Europe centrale des « déplacements » de populations affectant plus de 10.000.000 d’individus. Ces millions de « D.P. » seraient aujourd’hui des millions de cadavres si depuis dix ans l’O.N.U., par ses institutions laïques internationales, n’avait pas pris en charge leur logement, nourriture, vêtements, soins sanitaires, transports, réimplantation.
Ce sauvetage a été financé par les Etats, donc par les contribuables. C’est un acte collectif de secours, formidable. C’est la première fois dans l’histoire de l’humanité que la Charité se pratique à une telle échelle ; mais, le même contribuable français, italien ou canadien, qui a payé sa part, l’ignore. Je prétends que même les fidèles chrétiens, attentifs à la vertu de Charité, n’ont pas saisi la portée de ce geste collectif fait par eux sans qu’ils y prêtent attention.

En Palestine, à la création de l’État d’Israël, 850.000 Arabes réfugiés sont mis en camps de concentration. En 1956, huit ans après, ils seraient 850.000 cadavres , si, là encore, les Nations ne les avaient pas nourris tous les jours, et soignés.
Ainsi, au bord du Jourdain, à deux pas de Jérusalem invoquée dans chaque psaume, un sauvetage de 850.000 hommes, femmes et enfants se réalise et chaque contribuable, français ou canadien, y participe depuis huit ans par des impôts dont l’État prélève une part pour ce sauvetage. C’est nouveau aussi dans l’histoire de l’humanité. Voici une réalisation qui doit réjouir le cœur du Christ, et il n’y en a pas tellement en 1956 !

L’Église est présente dans ces organismes de l’O.N.U. par les Comités Internationaux de Charité créés dans ce but sur ordre du Saint-Siège : Caritas Internationalis et Commission Internationale Catholique des Migrations. Les membres de ces Comités Catholiques Internationaux y travaillent au nom des diocèses et des paroisses. Mais je prétends qu’il n’y a pas un paroissien sur 100 qui est au courant de ce travail, de ces structures, de cette présence de l’Église dans ces sauvetages gigantesques.

Il y a un travail d’enseignement à réaliser.

Ici il y a un travail d’enseignement à réaliser vis-à-vis des fidèles. Non seulement pour les sinistrés, non seulement pour les réfugiés, mais pour l’alimentation, pour la famine, pour la faim dans le monde, en résumé pour « nos frères » pour l’immensité de « notre prochain » sur l’immense mappemonde, les problèmes vont de plus en plus se poser et partiellement se résoudre avec des Institutions internationales : ceci est donc strictement du domaine « Charité » vis-à-vis du prochain. En l’an 2000 les dirigeants, les fonctionnaires internationaux auront des responsabilités de plus en plus vastes. Mais ces adultes de l’an 2000 sont en 1956 nos enfants de 10 et 15 ans. Les responsables internationaux de demain auront une Charité à la mesure de la formation donnée aujourd’hui...

Ces liens nouveaux du monde de demain sont un aspect d’un amour « agrandi » du prochain. Saint Paul jubilerait de cette prédisposition de ce Monde à la Charité du Christ. Mais cet éveil du monde aux dimensions planétaires de la famille humaine, quel Christophe Colomb se lèvera pour le baptiser et lui donner le Christ qu’il cherche inconsciemment dans la nuit ?

3° Cette technique de la rapidité, cette architecture des Charités internationales adaptées aux lignes de l’O.N.U. ne sont que des conditions opportunes, mais accessoires d’un futur Diaconat de l’an 2000. Son secret est ailleurs. Tout tient au secret du cœur : la Charité est un mystère du Christ en chacun de nous.
Est-ce qu’actuellement il n’est pas opportun de réhabiliter la Charité véritable, qui est autre chose que la bienfaisance ?

Pourquoi y a-t-il carence d’ouvriers dans les tâches humbles de la Charité ? A côté de l’admirable spectacle de 20.000 étudiants priant à Chartres, à côté d’activités méritoires dans l’apostolat, il y a une absence quasi totale des jeunes dès qu’il s’agit d’activités charitables.

Au récent Congrès de la visite des Hôpitaux, l’un des responsables d’un hôpital parisien de 2.000 lits signalait n’avoir pas trouvé depuis dix ans un seul jeune pour visiter les malades : tous les congressistes ratifiaient cette crise. Dans la Visite des Prisons, c’est la même absence. Toutes les Congrégations hospitalières manquent aujourd’hui cruellement de vocations. On surabonde de conférenciers et de publications sur l’apostolat, mais on manque d’humbles charitables.

Sur le lac de Tibériade moderne, partout surgissent de parfaits chimistes capables d’en analyser chaque goutte d’eau, mais on manque d’humbles rameurs et de marins sachant naviguer ferme et en ne regardant que Celui qui marche sur les eaux.

La Charité aura toujours assez de techniciens. Mais pour l’an 2000, la Charité a d’abord besoin de théologiens formant des Diacres dans l’esprit de l’Église Primitive.

Je ne m’arrêterai pas de crier : il y a crise de la charité.

On aura beau me conseiller la prudence, je ne m’arrêterai pas de crier : « Il y a crise de la Charité ». C’est une question d’enseignement. Enseigner la Trinité. Revenir à saint Paul. L’existence dans l’Église d’un Diaconat pour l’an 2000 dépend de la manière dont le dogme sera prêché en première place pour être traduit dans la vie.

Les 12 Apôtres pour organiser l’Église et se spécialiser dans la prédication, qu’ont-ils exigé des premiers Diacres ? Des qualités administratives ? De la technique ? Non pas seulement. Les Actes nous disent qu’ils ont choisi des hommes « remplis de l’Esprit Saint » et que toute la Communauté chrétienne a prié pour eux.
Vous me dites « que cela ne se fait plus de nos jours pour les spécialistes de la Charité ».

Hélas !

Voyez l’Institution des Diacres de l’Évangile. Cela ne leur a pas mal réussi. La recette est encore bonne.

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