Le Christ et les atomes
Jean RODHAIN, « Le Christ et les atomes », La Croix, 18 avril 1958.
Le Christ et les atomes
Un appel
L'Atomium règne. Toute l'Exposition est prosternée devant ce signal royal. Non seulement ce bilboquet d'acier scintille comme un soleil de 100 mètres de haut. Non seulement son ascension donne le vertige au visiteur. Mais ce signe moléculaire marque le début d'un règne : celui de l'atome. Dans chaque pavillon national on retrouve au premier plan la marque de cette nouvelle dynastie : les chercheurs de l'atome. Chaque pays expose ses recherches atomiques, prouve qu'il va ainsi devenir plus fort, suggère que ses habitants vont demain, par l'atome, connaître une ère nouvelle.
Quelle ère ? Ici l'éloquence ralentit son souffle. Chaque pavillon étale bien avec d'admirables phrases d'acier, de plastique ou de verre une écriture nouvelle. Chacun célèbre les perspectives de puissance que l'atome domestiqué va nous livrer. Et puis après ?
Quel bonheur cette force va-t-elle donner ? C'est ici que les réponses deviennent courtes. On nous présente un acier amélioré, une locomotive plus rapide, un réfrigérateur plus serviable, des loisirs allongés. Et ensuite ?
L'homme réussi, content de soi, en bonne santé, sera satisfait. Le père qui n'a pas d'enfant malade, la mère qui n'a pas de soucis familiaux, le célibataire qui n'a d'autre projet que son congé de Juillet seront servis de progrès techniques.
Mais les autres ? Les autres, c'est-à-dire tous les autres, qui peinons sur le quotidien et qui regardons vers après demain ? Tous ceux-là après avoir visité la pile atomique et le béton en équilibre, après avoir lu les statistiques et absorbé les diagrammes, ils viendront à pas lents vers ce lieu secret de l'Exposition où le bruit déjà diminué et où instinctivement chacun ralentit son pas. Un atrium intime comme un bosquet. Une porte qui s'ouvre, et cette réalité : le Saint Sacrement exposé.
Ce lieu ne ressemble à aucun autre. Il fallait qu'il ne ressemblât pas à un autre stand. Car ici ce n'est ni une présentation, ni un progrès, ni une réussite. C'est une réalité. C'est la Réalité. C'est en personne le Créateur de l'Atome. C'est le Seigneur Jésus lui-même.
Le fidèle s'agenouille. Le curieux se tait et regarde : un sol de marbre noir. Des murs de pierres nouées comme des flammes. Un ciel où des nuages forment voûte. Et de ce ciel dans la demi-obscurité de l'ensemble un rayon lumineux tombe vers l'ostensoir, seul, sur le bloc de marbre de l'autel.
Ici on prie pour les ouvriers qui sont morts en construisant l'Atomium.
Ici on prie pour ceux qui cherchent ce bonheur qu'ils construisent, et ce bonheur qu'ils ne soupçonnent pas.
Ici on prie pour cette paix que l'atome ne donnera pas et que le Seigneur peut donner.
Ici on prie pour les millions d'âmes inquiètes qui travaillent dans et pour cette Exposition.
Je dirai même que c'est d'ici qu'on voit le mieux l'Exposition. Ce travail immense réalisé, c'est une suite de l'atelier de Nazareth. Ce règne entrevu de l'Atome, c'est une strophe de plus au cantique de St François chantant la création.
Ce fourmillement autour des pavillons, c'est la pitié de ces troupeaux sans pasteurs. Ce thème même donné à l'Exposition, c'est une recherche de l'humanité s'avançant à tâtons vers son Rédempteur.
Cette unique chapelle du Saint Sacrement a été réalisée dans le Pavillon du Saint Siège par qui ? Par la France. En plus des autres charges confiées, c'est un honneur pour la France d'avoir reçu cette mission.
Pour cette immense et lourde entreprise, le Comité National Français présidé par M. Wladimir d'ORMESSON, Ambassadeur de France, a pris le risque de commencer sans aucune subvention.
Nous avons fait confiance à tous ceux qui croient en la Présence du Seigneur.
Nous avons terminé tous les travaux exactement la veille de l'inauguration.
Maintenant, aidez-nous : je le dis sans aucune hésitation.
LE SECRETAIRE GENERAL
Mgr Jean RODHAIN