Réponses à 36 questions
Jean RODHAIN, « Réponses à 36 questions », Messages du Secours Catholique, n° 85, février 1959, p. 1; 4.
Réponses à 36 questions
Chaque parution de ce journal nous vaut un aimable courrier de nos lecteurs. Certains font des critiques, d’autres apportent des idées, d'autres posent des questions.
Je pense à ceux qui se posent des questions et ne les écrivent pas, et pour ceux-là, afin que !e dialogue soit plus clair, je reproduis les interrogations reçues récemment, et leurs réponses... -
Ainsi se tissera davantage le réseau qui nous relie tous ensemble...
Mgr Jean RODHAIN.
- Combien « Messages » a-t-il de lecteurs ?
- Le nombre des abonnés de Messages est contrôlé par l'O.J.D., organisme officiel de contrôle de Presse. Ses inspecteurs, lors du contrôle du 21 janvier, ont vérifié, pour le numéro précédent, un total de 384.499 abonnés personnels. Si on estime que dans chaque famille, le numéro reçu est lu par trois personnes, cela fait un total de plus d'un million de lecteurs.
- Le Secours Catholique s'occupe-t-il de villages d'enfants S.O.S. ?
-Le Secours Catholique ne s'occupe pas de villages d'enfants. Malgré le nom pris récemment par une de ces organisations, il n'y a absolument aucun rapport entre Secours Catholique et Villages S.O.S.
- Dans l'article « Le paletot du petit a les manches trop courtes », il était question d'agrandir le Siège Social. Où en est-on ?
- La construction de nouveaux étages reviendrait à un prix prohibitif. On s'est orienté vers la location de locaux dans le quartier. C'est moins pratique, certes, mais plus économique.
- Le Service «Nord-Africain» s'est installé 122, rue de Vaugirard.
- Le Service «Malades», 115, rue du Cherche-Midi exactement en face du n°120.
- Les Editions S.O.S., 113, rue du Cherche-Midi.
Tous ces services sont desservis par le même standard téléphonique LIT. 41-71 (7 lignes groupées).
Les bureaux ainsi rendus disponibles au Siège social ont été affectés aux Services des abonnements à Messages, qui prennent de plus en plus d'extension.
- Quelles sont les répercussions des récentes mesures financières sur le Secours Catholique ? .
- a) Malgré les augmentations du papier journal et des P.T.T., nous ne. voulons pas augmenter le prix actuel de l'abonnement à Messages (300 fr.), car nous savons que tous nos lecteurs font actuellement un bel effort de propagande pour trouver de nouveaux abonnés : ce qui nous permettra de tenir.
Par contre, dans les remerciements ou accusés de réception, nous adoptons désormais des formules simplifiées plus économiques (cartes postales, etc.), que nous prions nos correspondants de bien vouloir accueillir avec indulgence.
- b) Mais ces mesures atteignent surtout, sans compensation possible, les « économiquement faibles ». Tous ceux qui, après une vie de labeur et d'épargne, sont victimes des dévaluations et pour lesquels la moindre augmentation dans l'alimentation, la plus minime limitation de remboursement chez le pharmacien, ne sont contrebalancées par rien. C'est vers eux que doivent porter d'abord nos efforts... C'est ici que la Campagne des Vieillards devient d'une opportunité aveuglante.
- Est-il exact, comme l'a annoncé un journal d'extrême-gauche, qu'un administrateur du Secours Catholique est ministre du gouvernement actuel ?
- Non. Il y a eu confusion entre M. Valéry Giscard d’Estaing, sous-secrétaire d'État au Budget, et son père, M. Edmond Giscard d'Estaing, président de la Chambre de Commerce Internationale, vice-président du Secours Catholique (et auteur du volume : « Les Finances, terre inconnue » qui vient de paraître chez Fayard).
- Quel est le dernier administrateur élu au Secours Catholique ?
- La dernière Assemblée générale du Secours Catholique, à l’unanimité des 86 membres présents, a élu M. Jacques Tessier (fils de M. Gaston Tessier, président honoraire de la C.F.T.C.), le 2 juillet dernier.
- Le Secours Catholique s'occupe-t-il des curés de campagne âgés ?
- Jusqu’ici non. Mais prochainement, la « Campagne Vieillard » va préciser un travail à entreprendre sur ce point.
- Est-il exact qu'à la Cité Notre-Dame, rue de la Comète, à Paris, il y ait afflux de jeunes chômeurs ?
- Exact : La proportion des jeunes de moins de vingt-cinq ans était en 1957 de 15 %. Elle dépasse actuellement 33 %.
Causes multiples. Beaucoup de jeunes démobilisés revenant d'Algérie, n'ayant pas d'emploi fixe en province avant leur service militaire, venant à Paris pour un emploi de plus en plus difficile à trouver, et ayant un évident besoin de réadaptation après leur séjour en Algérie...
- La Presse parle de certains sinistres dont vous ne parlez pas. Pourquoi ?
- Il ne faut pas alerter inutilement la France entière. Depuis la commencement du monde, il y a, il y aura toujours des intempéries. Lorsqu il y a une misère réelle, la délégation locale, aidée par le Siège national du Secours Catholique, intervient sans le publier.
Nous ne lançons un appel pour un sinistre que lorsque réellement son importance requiert vraiment un effort national. On ne prend pas au sérieux celui qui quémande et pleurniche tout le temps.
- Nous recevons une lettre d'un pauvre prisonnier inconnu qui a recours à nous « parce qu'il a fait sa première communion autrefois dans notre paroisse ».
- Cette lettre tirée à des milliers d'exemplaires est envoyée depuis six mois par un groupe de fieffés escrocs. Ne pas croire un mot de ces histoires. Ceci n'a rien à voir avec la charité. En cas de doute, écrire à notre Service « Prisons » qui a l'expérience de ces cas.
- Combien la Cité-Secours de Lourdes a-t-elle abrité jusqu'ici de pèlerins : a) pauvres; b) payants; c) de quels pays ?
- A la date du 1° janvier 1959 la Cité-Secours de Lourdes avait Iogé (pendant cinq nuits) et nourris :
a) pèlerins pauvres : 26.472.
b) pèlerins payants : néant. Nous les refusons tous.
c) Voir tableau récapitulatif page 9.
- Le Secours Catholique finance-t-il la Cité - Secours « Saint Pierre » à Lourdes ?
Le Secours Catholique a acheté en 1955 le terrain de Lourdes. Il loue ce terrain à la Société « Cité-Secours Saint-Pierre », et il transmet à cette Société les dons reçus spécialement pour la Cité. Mais les autres fonds reçus au Secours Catholique ne vont pas à la Cité. Cette Cité a son budget autonome. Ce sont les multitudes de dons directs qui lui ont permis d'édifier les pavillons pour 700 lits. A partir de 1960, la Cité-Secours « Saint Pierre » aura terminé le règlement des constructions et elle n’aura plus à payer que les dépenses journalières : alimentation et entretien. En 1959, elle doit faire face à la dernière, et très lourde tranche des devis de construction qu’elle règle grâce à l'emprunt en cours (voir page 9) et aux fondations de lits par les particuliers, Ies paroisses ou les diocèses.
Le Conseil d'Administration de la Cité-Secours « Saint Pierre » est composé ainsi : Président : Pr Thiébaut (Strasbourg) ; trésorier : M. Carcopino (Paris) ; membres : Mme Marcilhacy (présidente internationale des Dames de la Charité), Dr de Fresquet (Conseil central des Conférences de St Vincent de Paul), Mlle Prugnat et M. Mercier (Secours Catholique), M. de Champeaux (Autun) ; secrétaire général : Mgr Rodhain.
En résumé : c'est le Secours Catholique qui a créé la Cité-Secours « Saint Pierre » de Lourdes. Sa gérance est assurée par un Conseil d'Administration distinct.
- Nous trouvons que le Secours Catholique ne publie pas assez Ie bilan de son travail (sic).
- Il y a un bilan publiable et un bilan impubliable. Un secours envoyé en Espagne après la catastrophe de Rivadelaqo est un chiffre précis et publié (voir page 10). Une collecte faite à Noël pour équiper les missionnaires d'Afrique est un chiffre précis et publié (voir page 11). Mais le Foyer des Jeunes Travailleurs de X... ? Au bilan comptable apparaît uniquement un versement du siège social d'un million de francs et rien d'autre. Au bilan moral on s'aperçoit que ce Foyer revient à 128 millions. Ils ont été fournis en subventions ou prêts, à la suite de centaines de démarches pendant deux ans, d'une équipe Secours Catholique. C'est un travail inchiffrable. Voici la petite paroisse de Y. Elle ne figure sur aucun de nos fichiers. Une panne d'auto oblige à y rester une soirée. Au presbytère, on apprend que le Curé a utilisé le mot Secours Catholique, non pas pour créer une œuvre nouvelle, mais pour réunir chaque mois autour d'une table la Supérieure des Sœurs Garde-malades et tous les responsables des œuvres charitables. L'aspect charitable de la communauté paroissiale est charpenté depuis deux ans, grâce à ce comité sans bilan. C'est le meilleur du Secours Catholique. Mais c’est inchiffrable.
- Nous trouvons que Ie Secours Catholique publie trop de bilans (sic). Il n'obéit pas à l'Évangile qui ordonne : Que votre main gauche ignore ce que donne votre main droite.
1° Voir question précédente.
2° Les Actes des Apôtres, cette partie du Nouveau Testament aussi exactement inspirée du Saint Esprit que les Quatre Evangiles, fourmillent d'exemples charitables : les distributions aux veuves, la collecte réalisée pour les affamés de Jérusalem, Ie vestiaire paroissial organisé à Joppé par Thobita (Actes IX, 36-43). Ce n’était pas un bilan général. C’était des spécimens présentés pour qu'ils deviennent contagieux.
Il n y a pas ici de plaque de marbre avec, en lettres d'or, les noms des donateurs. Il y a seulement comme dans les livres de grammaire ou d'algèbre, des exemples d'applications pour chercher en commun comment continuer en 1959 à traduire la Charité de l'Evangile. C'est un travail de pédagogie. Une pédagogie sans exemples est un livre sans images. Quand la main droite écrit, la main gauche a parfois besoin de feuilleter un album de modèles ou un lexique de bon langage...
- Vous envoyez un accusé de réception au donateur de 1.000 francs. Mais je connais une voisine qui se dévoue depuis dix ans pour le Secours Catholique de la paroisse et qui n'a jamais reçu une ligne...
- Dans une famille on n’écrit pas tous les soirs des remerciements aux parents. Ce sont des dettes invisibles et inexprimables qui dépassent tous Ies imprimés et toutes les rédactions. Le bien perçu est comme la frange de lumière sous la porte : on n'en mesure pas la millième partie. Le bienfait est comme le soleil dans le miroir de l'enfant : l'enfant remercie le miroir, mais le bienfaiteur est un soleil quasi infini.
Dès que nous touchons à la Charité, cet éternel Soleil, cette théolologale vertu, nous ne sommes que des enfants avec de petits miroirs bon marché qui s'appellent colis de sucre, pelle de charbon, parole d'amitié ou collecte mondiale. Mais derrière, et au-delà, et au-dedans, et à travers, c'est l'infini soleil agissant d'un Seigneur qui doit sourire parfois de voir l'importance que ses petits-enfants attachent à leurs enfantines démarches quand ils « creusent des problèmes » ou « réforment le monde ».
En la pauvre bergerie-chapelle de la Cité de Lourdes, chaque matin d'hiver, comme d'été, à 8 heures un prêtre, tantôt avec cent personnes autour de lui, tantôt quasi seul, célèbre Ie Saint Sacrifice pour ceux qui travaillent avec Ie Secours Catholique. Voilà Ie seul merci à la dimension de nos besoins...
Mgr Jean RODHAIN