Sidoine et la double page
Jean RODHAIN, « Sidoine et la double page », Messages du Secours Catholique, n° 124, novembre 1962, p. 6.
Sidoine et la double page
Ce numéro de « Messages » comprend en pages 8 et 9 une documentation qui a donné du souci à l'imprimeur et à Sidoine. A l'imprimeur, parce qu'il a fallu mettre au point les quatre couleurs. A Sidoine, mon sacristain, parce qu'ayant trouvé sur mon bureau une page d'essai, il s'est empressé de l'afficher sur le placard aux cierges. En vingt-quatre heures, l'aigre chaisière et les curieux enfants de chœur avaient lardé Sidoine de questions sur cette double page. Tant et si bien qu'après un soir d'abattement, celui-ci réagit et sur les pages inutilisées d'un bordereau à retourner à l'évêché, il m'a calligraphié ses réponses. Je les insère volontiers, sans les taches de cire, en laissant au dévoué Sidoine toute la responsabilité de ses arguments.
Question n°1. - Vous comparez le Secours Catholique à une hôtellerie. C'est laisser croire qu'il suffit à chacun de lui confier les pauvres, et que chacun est libéré de toute charité par cet expédient.
Réponse. Voyez l'Évangile. Notre Seigneur a parlé d'une hôtellerie comme complément, et non comme suppression de la sollicitude du Samaritain. Celui-ci a interrompu son voyage. Il a donné ses réserves d'huile et de vin. Il a soigné les plaies. Il s'est privé de monture pour la réserver au blessé. Il a cherché l'hôtellerie. Il a payé d'avance une pension à laquelle aucune loi civile ne l'obligeait : que chacun en fasse autant, et ce sera déjà pas mal. Et j'imagine que rentré chez lui ce Samaritain, cité en exemple par le Seigneur-Jésus, n'est pas devenu subitement égoïste.
Toutes les paraboles ont un sens, mais elles ne règlent pas tout. L'Évangile cite en exemple le lys des champs vêtu par le Créateur, mais ce n'est pas pour condamner le travail des couturières. La parabole de l'enfant prodigue met en vedette le pardon du père, mais elle ne dispense pas les autres fils du travail. La parabole du Bon Samaritain met en avant la Charité de celui-ci et l'utilité pour cette charité de trouver une institution permanente qui prenne le pauvre en charge ; mais cette parabole ne dispense pas des prises en charge, au contraire, elle ouvre l'embauche. Le Secours Catholique dans ses Cités-Secours, joue le rôle d'un hôtelier sans factures : mais l'essentiel de son travail c'est d'alerter le passant : Samaritain, prêtres, lévite, etc... pour lui faire découvrir le prochain.
La Cité-Secours saint-Pierre est une institution : mais sur un million de visiteurs qui ont admiré le paysage, la plupart y ont découvert des misères insoupçonnées : cette hôtellerie fait école.
On représente saint Martin par son manteau déchiré : cela ne veut pas dire qu'il suffise de déchirer son manteau. On représente saint Pierre avec des clefs, cela ne veut pas dire qu'il s’est contenté d'une serrure.
Question n°2. - Sur la photo 1 de la page 8, quel est ce camion rouge et blanc ?
R. - Un Berliet GAK 5R (5t.800), modèle 1962, cabine climatisée. Il équipe notre service URGENCES. Il vient de faire Paris-Rome en deux jours.
Question n°3. - Sur la photo 2, quelle plage ?
R. - Plage des pêcheurs à Fadiouth, près de Dakar.
Question n°4. - Sur la photo 3, quelle « micro » ?
R. - Une des douze coopératives maraîchères créées en Afrique, grâce aux micro-réalisations.
Question n°5. - Quel centre d'accueil ?
R. - C'est l’hôtel Basilia (Lourdes) transformé par le Secours Catholique en centre d'accueil pour rapatriés.
Question n°6. - Page 9, en haut, pourquoi ce dessin d'enfant et pourquoi les mots « Auberge de l'Ange Gardien » sur le toit rouge ?
R. - Pour l'Exposition Internationale de Bruxelles, CARITAS INTERNATIONALIS avait fait un concours d'enfants sur le thème : « Dessinez l'épisode du Bon Samaritain ». Un des dessins primés provenait d'une école de Reims. L'auteur, 9 ans et demi, a présenté « à sa manière » la parabole. Ne voulant pas laisser l'hôtellerie sans enseigne, l'auteur l'a intitulée « L'Auberge de l'Ange Gardien ». Ce qui prouve qu'on lit toujours la comtesse de Ségur (dont le tirage vient de dépasser 18 millions d'exemplaires).
Question n°7. - Pourquoi sur cette vue de la Cité, y a-t-il tellement de jeunes ?
R. - La Cité-Secours de Lourdes accueille souvent des groupes de vieillards qui pour la première fois de leur vie, peuvent ainsi venir enfin à Lourdes.
Elle ne reçoit pas les enfants (sauf dans le pavillon « familial » lorsqu'une famille entière est accueillie).
Elle héberge aussi des groupes de jeunes aux conditions suivantes : attestation écrite qu'ils ne peuvent payer l'hôtel et qu'ils ne font pas partie d'une caravane touristique. Présence de cadres se chargeant de rendre le pèlerinage instructif et formateur.
Question n°8. - Pourquoi ces échafaudages au bas de la page 9 ?
R. - Le bâtiment 106, rue du Bac, portait deux étages de greniers à lucarnes. En remplaçant les lucarnes par des fenêtres, on a gagné 20 bureaux et 18 chambres de logement[1].
Même le chien aura une niche. Mais moi, le sacristain, évidemment, on m'a encore oublié.
SIDOINE
[1] NOTE DE LA REDACTION
Le Siège social du Secours Catholique est toujours 120, rue du Cherche-Midi. IL SERA DEFINITIVEMENT INSTALLE 106, RUE DU BAC, A NOEL. A partir du 1er mars 1963, un service d'accueil y recevra tous les lecteurs de « Messages » de passage à Paris, et leur fera visiter cet outil de travail qu'ils ont contribué à édifier.
Tous les jours, en effet, nous recevons des mandats de lecteurs, avec la mention : « Pour vous aider à construire et à équiper cette Centrale de Charité. » Merci.