De Noël 1963 à Noël 1964
Jean RODHAIN, « De Noël 1963 à Noël 1964 », Messages du Secours Catholique, n° 147, décembre 1964, p. 1.
De Noël 1963 à Noël 1964
Sidoine. - Je n'ai pas vu grand changement dans ma paroisse depuis votre Concile. Vous me parlez d'Encyclique et de schémas. Pour moi, c'est de l'hébreu. Moi je suis pour les moyens audiovisuels.
Moi. - Alors, Sidoine, regardez : depuis Noël dernier, vous êtes bien servi.
- Le Pape va à Jérusalem rencontrer la Patriarche de Constantinople : est-ce visuel ?
Sidoine. - C'est normal, Jérusalem c'est un pèlerinage.
Moi. - Ce qui aurait été normal, c'est de continuer la série des pèlerinages. Le Pape ira-t-il à Lourdes ou à Fatima ? Ni l'un ni l'autre. Le Pape, dans la même année, part pour les Indes, c'est imprévu : c'est visible, c'est audible.
Sidoine. - Oui, je reconnais qu'on parle de Bombay, même chez mon crémier. Pour une fois, l'Église fait un léger progrès, grâce à la télévision d'ailleurs. Elle y arrivera aux moyens audio-visuels. Mais Jérusalem, c’est les Orientaux, Bombay, c'est les Indiens. Ici, chez nous, vous ne nous servez que le Schéma 13, et c'est encore du latin.
Moi. - A la fin de la discussion sur ce Schéma 13, la Pape a voulu parler à ceux qui ne savaient pas le latin. Il est descendu solennellement de son trône et il est venu devant les caméras de toutes les télévisions du monde entier abandonner sa tiare pour les pauvres. Non pas une vieille tiare du XVII° siècle, ce qui aurait pu paraître désir de rompre avec des formes désuètes. Non, il a sacrifié cette tiare récente que ses amis lui avaient offertes pour son sacre.
Sidoine. - Mais pourquoi n’a t-il pas fait ce sacrifice en secret ?
Moi - Parce qu'il croit aux moyens audio-visuels, Sidoine. Ce dépouillement public est une leçon pour le public.
Sidoine. - Alors pourquoi sur-le-champ, les Cavaliers Equestres du Saint-Catafalque n'ont-ils pas déposé leurs dorures, et pourquoi Leurs Excellences...
Moi. - Silence, Sidoine, balayons devant notre porte. Ne jugeons pas les autres. Regardons ce qui nous concerne. Et depuis Noël de l'an dernier, que de signes pour chacun de nous !
Jérusalem est une date. Il y a dix ans seulement, lequel de nous aurait imaginé le Pape venant rencontrer le Patriarche de Constantinople devant la Saint-Sépulcre ? Or, nous sommes à cette heure-là, dans l’Histoire.
Et, mieux encore, nous sommes ou Secours Catholique, projetés vers cet endroit exact de l’Histoire : en Jérusalem, la même Pape nous confie, en souvenir de cette rencontre œcuménique, le soin et la charge et l'honneur d'installer une Maison d'accueil pour les pauvres... (Voir page 4).
Que dire de plus ?
- Bombay est un signe : nous devons regarder loin vers les peuples de la faim (voir page 11).
- La tiare abandonnée est un signe, et aussi une leçon : qu'allons-nous, pour les Pauvres - chacun à notre tour - abandonner ?
Sidoine. - En attendant, chez moi, Noël c'est la cheminée avec, pour les enfants, les souliers préparés (voir page 7).
Moi. - La cheminée reste, mais ce Noël 1964 dépasse celui de 1963. D'un Noël à l'autre, Sidoine, comptez les signes : Jérusalem, Bombay, la tiare.
Ce Concile inachevé est douloureux comme un chantier en attente.
Un chantier, c'est encore un signe. Un chantier, cela signifie qu'il reste du travail. Du travail pour chacun, Sidoine. Bon Noël.
Jean RODHAIN.