Le Secours Catholique est-il riche, est-il pauvre ?
Jean RODHAIN, « Le Secours Catholique est-il riche ou est-il pauvre ? », Brochure de la Journée Nationale 1964, p.16.
Le Secours Catholique est-il riche ? Ou est-il pauvre ?
Chaque semaine passe dans nos bureaux un évêque d'Asie ou d'Amérique du Sud. Celui-ci a besoin de tout. Celui-là a sur les bras 30.000 réfugiés provenant du pays voisin où l'on s'est massacré les uns les autres. Sur 20 visites de ce genre, nous donnons satisfaction à une. Nous refusons, le cœur serré, les 19 autres : nous n'avons pas les millions nécessaires.
C'est vrai que nous avons reçu - et transmis - des millions pour les micro-réalisations. Mais après le puits et le jardin, après l'outillage et l'équipement, il faut former de nouveaux responsables. Il y a des spécialistes qui se présentent. On les réclame de partout. Il en faudrait cent. Nous en embauchons deux seulement. Pourquoi ? Nous n'avons pas les millions nécessaires...
On me demande des conférences, on me demande de venir prêcher ici ou là. Je refuse. On me demande d'écrire un livre. Je refuse. Pourquoi ? Parce que la moitié de mon temps est pris « à chercher de l'argent » pour nos multiples misères.
Nous avons deux camions pour les urgences dans les sinistres. Celui qui les voit passer pense : le Secours Catholique est riche.
Pendant ce temps, des centaines de presbytères de campagne ont besoin d'une 2 CV. Ils nous les demandent. On nous demande aussi mille autres choses. Nous n'arrivons à en donner que cent. Ne pas pouvoir donner ce qui est nécessaire, ce n'est pas de la richesse : c'est une forme de pauvreté.
A une interview à la radio, le R. P. Lebret, le créateur de tant d'institutions sociales en Afrique et en Amérique, criait l'autre soir sa douleur : en face du travail à réaliser, il n'obtient pas l'argent nécessaire.
Si nous regardons ceux qui nous donnent déjà, si nous comptons les réalisations déjà terminées, nous avons un bilan correct.
Si nous regardons ceux qui n'ont encore rien donné. Si nous comptons toutes les réalisations qui attendent une première pierre, toutes les misères qui frappent en vain à notre porte, alors je déclare, les mains vides, que nous sommes de pauvres mains. Quelle pauvreté, celle-là !
J. R.