Le carnet de Sidoine
Jean RODHAIN, « Le carnet de Sidoine », Messages du Secours Catholique, n° 154, juillet-août 1965, p. 2.
Le carnet de Sidoine
Question :
« L'éditorial du dernier numéro est savoureux : bravo pour ce sermon express rappelant la charité en famille. Mais, en tant que mère de famille, je regrette l'ironie vis-à-vis des potages en sachets. Si je devais, comme ma grand-mère, éplucher moi-même mes légumes, faire longuement « tremper » ma soupe, je perdrais un temps précieux. Grâce aux sachets de potage, mon repas est expédié en vitesse et cela me permet de faire des visites dans mon quartier : mon apostolat y gagne. « Messages » ne devrait pas critiquer les sachets de potage... » (A. F., mère de 7 enfants.)
Réponse :
Je ne m'attendais pas à cette équation entre l'apostolat et les sachets de soupe aux asperges. Stupéfait, désarçonné, étourdi par ce rapprochement inattendu j'ai voulu prendre conseil de trois experts. Voici leurs réponses.
Expert n°1 (étudiante en droit 19 ans).
Cette mère de famille a raison. A la maison, maman consacre chaque jour de longues minutes à nous écouter, à répondre à nos questions. Nous n'aurions pas cette atmosphère de confidences si notre mère était comme sa grand-mère, esclave de ses fourneaux.
Expert n°2 : (Intendant de 3° classe, en retraite, 88 ans)
Cette mère de famille a raison. Puisqu'elle a une vocation apostolique si poussée, je lui signale les nouvelles rations de survie K-7 de l'armée. Tout le repas complet en un seul sachet. Aucun temps perdu à la cuisine.
Expert n°3 (Camaldule cloîtrée, cuisinière de son abbaye depuis 1919, 64 ans)
Le temps passé devant les fourneaux, les heures consacrées à l'épluchage mettent l'âme en paix. Trente-six visites par jour dans le quartier, c'est de la dispersion, c'est du vent. On ne distribue que ce que l'on a d'abord recueilli. Savoir réfléchir en mijotant un pot-au-feu n’est pas du temps perdu. Si saint Vincent-de-Paul et Jeanne d'Arc avaient connu les sachets au vermicelle, ils n'auraient pas rayonné davantage.
Expert n°4 (Laïc moyen, collaborateur de « Messages », et curieux de bonnes recettes) :
Veuillez me donner l'adresse de cette mère de famille afin que, si un jour elle m'invite à dîner, je me fasse inviter ailleurs.
Moralité
Le dernier numéro m’a valu une pluie de lettres. Non seulement à cause des potages et de la tarte, mais aussi à cause du chien. Je répondrai personnellement à chacun pendant les vacances.
Je mesure de plus en plus le risque encouru devant 700.000 abonnés lorsque mon patron aborde des questions où Sidoine est d'une compétence limitée. Mais je crains fort, après l’éditorial du numéro d'aujourd'hui de devoir me préparer à quelques centaines de lettres d'artilleurs.
Bonnes vacances !
SIDOINE