Les neuf stations de la charité
Jean RODHAIN, « Les neuf stations de la charité », Brochure de la Journée Nationale 1965, p. 18-22.
Une veillée de prière
Les neuf stations de la charité[1]
1ère Station : Lavement des pieds
I. Lecture de l’apôtre Saint Jean
« Jésus sachant que son heure était venue de passer de ce inonde vers son Père, ayant aimé les siens, les aima extrêmement.
Et comme on avait commencé de souper, Il se leva de table, Il quitta ses habits et, prenant un linge, Il s'en ceignit. Il versa de l'eau dans un bassin et se mit en devoir de laver les pieds de ses disciples et de les essuyer avec le linge dont Il était ceint...
Lors donc qu'Il leur eut lavé les pieds, et qu'Il eut repris ses habits et se fut remis à table, Il leur dit : « Comprenez-vous ce que Je vous ai fait ?... Si donc Je vous ai lavé les pieds, Moi, le Seigneur et le Maître, vous aussi vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. » (XIII, 1-5 et 12-14) »
Nous sommes au soir du jeudi Saint. Saint Jean est le seul des Evangélistes à avoir reposé sa tête sur le cœur du Seigneur. Il est aussi le seul à avoir décrit le Lavement des pieds, ce premier geste de la Passion.
Les trois autres Evangélistes décriront l'institution de l'Eucharistie : saint Jean n'en dit pas un mot. Mais ce disciple bien-aimé prend le temps de détailler le Seigneur à genoux, versant de l'eau, lavant les pieds et prenant un linge pour les essuyer un à un. Un service très humble, un geste très matériel, une activité charitable très terre à terre, une invitation à comprendre et à faire de même...
II. Demandons à Pierre auquel le Seigneur annonça : « Tu ne comprends pas maintenant, mais tu comprendras plus tard. » (Jean XIII, 7)
Demandons aux dix autres Apôtres d'intercéder pour nous afin que nous obtenions ce sens de la véritable charité.
Saint Pierre priez pour nous
Saint André priez pour nous
Saint Jacques priez pour nous
Saint Jean priez pour nous
Saint Thomas priez pour nous
Saint Philippe priez pour nous
Saint Barthélémy priez pour nous
Saint Matthieu priez pour nous
Saint Simon priez pour nous
Saint Jude priez pour nous
Saint Jacques priez pour nous
III. Oraison
Seigneur qui, dans la nuit du Jeudi saint, avant de consacrer le pain et le vin, avez voulu Vous-même laver les pieds de vos disciples, apprenez-nous à comprendre et à pratiquer cette charité dont Vous avez voulu nous donner l'exemple, Vous qui vivez et régnez dans l’unité du Père et du Saint-Esprit. Amen.
2ème station : Le pain partagé
I. Lecture Luc, XXII - 19
« Et ayant pris du pain et rendu grâces, Il le rompît et le leur donna, en disant : « Ceci est mon corps, donné pour vous. Faites ceci en mémoire de Moi. »
II. Nous savions qu'il était né sur la paille d'une étable. Nous savions que pendant trente années Il avait vécu comme ouvrier charpentier. Il avait dit - et nous le savions - qu'Il ne possédait même pas une pierre pour reposer sa tête. Et ce Christ, toujours pauvre depuis son Incarnation, au moment de sa Passion que va-t-il nous laisser comme signe de sa Rédemption ? Un pauvre morceau de pain : c'est le Pain de Vie.
III. Seigneur Jésus qui, à Bethléem, n'avez pas trouvé de place dans l'hôtellerie et qui, au Calvaire, avez voulu mourir dépouillé de tout, apprenez-nous, en Vous adorant présent sous les apparences du pain, à estimer nos frères les Pauvres et à savoir les servir. Vous qui vivez et régnez, avec Dieu le Père, dans l'unité du Saint-Esprit. Amen.
IV. Adoro te, devote...
Je Vous adore avec amour, ô Dieu caché,
Réellement présent sous ces apparences
Mon cœur se soumet à Vous tout entier,
Lorsqu'il Vous contemple, tout lui fait défaut.
La vue, le toucher, le goût ne font ici que nous tromper,
Mais nous croyons fermement ce que nous avons entendu.
Je crois tout ce qu'a dit le Fils de Dieu.
Rien n'est plus vrai que cette Parole de vérité.
Sur la Croix, seule la divinité était cachée, Mais ici l'humanité aussi se cache ;
Je crois pourtant à toutes deux et je le proclame,
Et je demande ce que demandait le larron repentant.
Jésus, que je contemple maintenant voilé,
Je vous en prie, réalisez mon ardent désir Que j'aie le bonheur de Vous voir un jour Face à face dans votre gloire. Amen !
3ème station : La couronne d'épines
C'est la couronne d'épines. C'est la flagellation. C'est le fardeau de la Croix.
Mais ce n'est pas le premier sang versé.
A l'atelier de Nazareth, à la première écharde, c'était déjà le même sang, la même Personne, la même intention, la même Rédemption qui s'exerçait.
A la pose des charpentes, la fatigue sous le fardeau des chevrons, c'était déjà la même Personne, c'était déjà la même intention.
La Rédemption n'a pas commencé le soir du Jeudi saint : elle est devenue visible pour nous ce soir-là, mais elle s'exerçait dès la première douleur offerte par le Rédempteur, artisan charpentier à Nazareth.
II. Seigneur, qui avez racheté le monde par les mérites de votre Vie tout entière, apprenez-nous à reconnaître Votre présence chaque fois qu'au service de nos frères le poids de notre peine se fait sentir. Par Jésus-Christ notre Seigneur.
III. Prière litanique du Pape Gelase (v° siècle).
Le diacre : Tous ensemble, disons : O Seigneur, écoute, et prends pitié !
Tous : O Seigneur, écoute et prends pitié !
Le diacre : Pour les prêtres consacrés au Seigneur,
pour tous les peuples qui adorent le vrai Dieu,
prions le Christ Seigneur.
Tous : O Seigneur, écoute et prends pitié !
Le diacre : Pour tous ceux qui, fidèlement,
dispensent la parole de Vérité,
demandons la sagesse infinie du Verbe de Dieu.
Tous : O Seigneur, écoute et prends pitié !
Le diacre : Pour ceux que retient la faiblesse humaine,
l'esprit d'envie et de haine,
ou les erreurs innombrables du monde,
implorons la tendresse du Rédempteur.
Tous : O Seigneur, écoute et prends pitié !
Le diacre : Pour les absents, pour les prisonniers,
pour le faible qu'on opprime,
le juste qu'on persécute,
supplions Jésus le Sauveur.
Tous : O Seigneur, écoute et prends pitié !
Le diacre : Pour les ouvriers de l'Évangile,
pour ceux qui servent avec amour
leurs frères malheureux,
prions le Dieu des miséricordes.
Tous : O Seigneur, écoute et prends pitié !
4ème station : Simon de Cyrène
I. Lecture de Saint Marc
« Et ils l'emmenèrent dehors pour le crucifier. Et ils requérirent un passant : Simon de Cyrène, père d'Alexandre et de Rufus, qui revenait des champs, pour qu'il porte sa croix. » (XV, 20-21.)
Quelle vénération, dix ans plus tard, chez les fidèles, à l'égard de Simon le Cyrénéen qui eut l'honneur unique de porter la Croix du Sauveur !
Simon le Privilégié n'a compris qu'après. Sur le moment : on dut le requérir, le réquisitionner, le contraindre.
Ainsi, parfois, invisiblement, le service rendu au prochain conduit jusqu'auprès de Celui qui est plus proche de nous que tous nos proches.
II. Seigneur Jésus, que le prophète Isaïe décrit comme un agneau conduit à la boucherie, comme un homme n'ayant plus aucune figure humaine, apprenez-nous à Vous reconnaître présent dans le malade et l'agonisant, dans l'étranger et le pèlerin, dans le prisonnier et le désespéré. Vous qui vivez et régnez dans l'unité du Père et du Saint-Esprit. Amen !
III. Prions maintenant pour que le Seigneur délivre ceux de nos frères qui portent les fardeaux de la pauvreté humaine.
Délivrez, Seigneur, l'âme de vos serviteurs comme vous avez délivré Noé du Déluge. Amen !
Délivrez, Seigneur, l'âme de vos serviteurs comme vous avez délivré Abraham en le faisant sortir de la ville d'Ur en Chaldée. Amen !
Délivrez, Seigneur, l’âme de vos serviteurs comme vous avez délivré Isaac de l'immolation et de la main de son, père Abraham. Amen !
Délivrez, Seigneur, l'âme de vos serviteurs comme vous avez délivré Loth de Sodome et de la flamme du feu. Amen !
Délivrez, Seigneur, l'âme de vos serviteurs comme vous avez délivré Moïse de la main de Pharaon, roi d'Egypte. Amen !
Délivrez, Seigneur, l'âme de vos serviteurs comme vous avez délivré Daniel de la fosse aux lions. Amen !
Délivrez, Seigneur, l'âme de vos serviteurs comme vous avez délivré Suzanne de l'accusation mensongère. Amen !
Délivrez, Seigneur, l'âme de vos serviteurs comme vous avez délivré David de la main du roi Saül et de la main de Goliath. Amen !
Délivrez, Seigneur, l'âme de vos serviteurs comme vous avez délivré Pierre et Paul de leur prison. Amen !
(Rituel, Prière des agonisants.)
5ème station : Marie au calvaire
Lecture de l’apôtre Saint Jean
« Or, près de la croix de Jésus, se tenaient sa Mère et la sœur de sa Mère, Marie, femme de Cléopas, et Marie de Magdala. » (XIX, 25.)
Nous savons que Jésus va parler à sa Mère. Mais elle ne dira rien.
Depuis les Noces de Cana, il n'y a pas une seule parole de la Vierge Marie dans l'Évangile.
« Elle gardait toutes ces choses en son cœur ». (Luc, 11, 19.)
Auprès de la Croix, Marie est là, et Elle se tait.
Le silence est parfois le langage de la véritable charité.
La contemplation de la Source de toute Charité est la première source de toute charité.
Notre-Seigneur n'a pas distribué de brochures ni de manuels à ses disciples pendant sa Passion.
Savoir fermer les yeux.
Savoir se taire.
Savoir la prière du silence.
II. (Une minute de silence.)
III. Je vous salue, Marie, pleine de grâce ; le Seigneur est avec vous ; vous êtes bénie entre toutes les femmes ; et Jésus, le fruit de vos entrailles, est béni.
Sainte Marie, Mère de Dieu, priez pour nous, pauvres pécheurs, maintenant et à l'heure de notre mort. Amen !
6ème station : Judas et le larron
« Alors Judas, ayant jeté les pièces d'argent dans le Temple, alla se pendre. »
(Matt. XXVII, 5.)
« Alors le larron dit : « Pour nous c'est justice, car nos crimes méritent ce châtiment... Seigneur, souviens-toi de moi dans ton royaume ». Et Jésus lui répondit : « En vérité, je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi en Paradis. »
(Luc, XXIII, 41-43.)
II. Suspendu à son arbre, voici que ce Judas agonise dans le mystère de sa trahison.
Suspendu à sa croix, voici que ce larron pénètre directement dans les Cieux.
- Celui-ci s'enferme dans la solitude de son péché
Celui-là se tourne vers le Dieu de charité
- Celui-ci se referme sur son propre péché,
Celui-là se libère par l'aveu de ses péchés.
III. Seigneur, qui avez libéré l'âme du Bon Larron après la proclamation de ses fautes, délivrez nos âmes des ombres du péché afin d'y laisser pénétrer la lumière de votre charité. Vous qui étant Dieu vivez et régnez dans l'unité du Saint-Esprit. Amen !
Confiteor...
mea culpa,
mea culpa,
mea maxima culpa,
(30 secondes de silence)
Ideo...
Chant : Seigneur, je ne suis pas digne de vous recevoir, mais dites seulement une parole et mon âme sera guérie.
7ème station : Le coup de lance
I. Lecture de l’apôtre Saint Jean
« Les Juifs donc, comme c'était la Parascève, afin que les corps ne demeurassent pas sur la croix durant le sabbat - car c'était un grand jour que ce sabbat - demandèrent à Pilate qu'on leur rompît les jambes et qu'on les enlevât. Les soldats vinrent donc et rompirent les jambes du premier, puis de l'autre qui avait été crucifié avec lui ; mais, venant à Jésus, comme ils virent qu'Il était déjà mort, ils ne lui rompirent pas les jambes. Mais un des soldats lui piqua le côté de sa lance et aussitôt il sortit du sang et de l'eau. » (XIX, 31-35.)
II. Aussitôt le centurion peut faire son rapport à Pilate. (Marc, XV, 44-46.) La mort est légalement constatée.
Rendons grâces au Seigneur pour ce sang qui coule et ce corps qui se glace : image et signe du Sacrifice offert pour la rédemption de tous les hommes.
Rendons grâces au Seigneur pour ce pain et ce vin, séparés sur l'autel : image et signe du Sacrifice perpétuel pour la rédemption de tous les hommes.
Rendons gloire au Seigneur pour ces messes célébrées ici et partout, dans le Sacrifice Unique de Son Fils immolé.
Rendons gloire au Seigneur pour le mystère de ce vin, et de ce pain, partagés entre tous nos frères.
III. Tantum ergo...
8ème station : Joseph d'Arimathie et les autres...
I. Lecture de Saint Matthieu
« Le soir venu, un homme riche, nommé Joseph d'Arimathie - qui lui aussi avait été instruit - vînt se présenter devant Pilate et demanda le corps de Jésus.
Alors, Pilate donna l'ordre qu'on le lui remît. » XXVII, 57-58.)
II. Au contraire des peintres qui dressent la Croix solitaire sur un Calvaire désert, les évangélistes insistent sur le nombre de disciples présents. Ils dénombrent :
« Nicodème[2], et Joseph d'Arimathie, Marie, femme de Cléopas, et Marie de Magdala[3], la mère des fils de Zébédée[4], Marie, mère de Jacques le Mineur, et Salomé. » « Et beaucoup d'autres »[5] ajoutent Marc et Matthieu.
Et saint Luc leur fait écho :
« Tandis qu’ils emmenaient Jésus. Il était suivi d'une grande masse de peuple, et de femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur Lui. » (XXIII, 27.)
Joseph d'Arimathie paraît pour la première fois dans l’Évangile.
Personne ne comptait sur lui.
Or, c'est lui s'avance, qui réclame le corps à Pilate, et l'obtient. C'est lui qui a cette suprême charité du tombeau offert.
Joseph d'Arimathie est le type des disciples fidèles, inconnus des hommes, mais connus de Dieu.
C'est tout le Peuple de Dieu, où nous devons deviner la présence de Dieu...
III. Actions de grâces de la « Didache »
Souviens-Toi, Seigneur, de ton Église ;
Délivre-la de tout mal ! Rends-la parfaite en ton amour.
Des quatre points cardinaux, rassemble-la,
Ton Eglise sainte,
Dans ton Royaume, que tu lui as préparé.
Car à Toi est la puissance
Et la gloire dans tous les siècles.
Vienne la grâce et que ce monde passe ! Hosanna au Dieu de David !
Si quelqu'un est saint, qu'il vienne !
Si quelqu'un ne l’est pas, qu'il se convertisse !
Seigneur, viens ! Amen !
9ème station : Les pèlerins d'Emmaüs
I. Lecture de Saint Luc
« Et ils approchèrent du bourg où ils allaient. Et Lui fit semblant d'aller plus loin. Et ils Le pressèrent avec instance, disant : « Reste avec nous, car le soir vient et le jour est déjà sur son déclin. » Et Il entra, pour rester avec eux.
Et il advînt qu'après s'être mis à table avec eux, prenant le pain, Il bénit Dieu ; et, l’ayant rompu, ll le leur donna. Leurs yeux s'ouvrirent : et ils Le reconnurent. Et Lui disparut d'auprès d'eux.
Et ils se dirent l'un à l'autre : « Notre cœur n'était-il pas brûlant en nous, tandis qu'Il nous parlait dans le chemin, tandis qu’Il nous découvrait les Ecritures ? » (XXIV,28,33)
II. Toute la prédication de saint Paul est basée sur la Résurrection du Christ.
Il est mort, c'est indiscutablement constaté. Il est revenu, c'est constaté indiscutablement.
Deux mille ans après, toute la vie de l'Église et toute notre foi sont accrochées à ce Ressuscité. Je crois.
Et Il prouve sa Résurrection. Et Il est reconnu à ce signe : le pain, le pain rompu, le pain partagé.
Bientôt famine à Jérusalem. Le même Paul alerte les jeunes chrétientés grecques. Collectes organisées et acheminées. Jérusalem vivra grâce au pain partagé. L'unité de l'Église primitive, un instant en péril à cause des divergences de ses Apôtres, s’affirme dans une charité active mais accrochée à la foi.
Oui, le Christ est ressuscité. Je le crois.
Oui, on reconnaît les premiers chrétiens à ce signe : le pain partagé.
Ubi Caritas et amor, Deus ibi est
Où règnent l'amour et la charité, là règne Dieu.
C'est l'amour du Christ qui nous a rassemblés dans l'unité.
Réjouissons-nous : en Lui trouvons notre joie.
Respectons et aimons le Dieu vivant,
Et d'un cœur sincère, aimons-nous !
Où règnent l'amour et la charité, là règne Dieu !
Tous réunis en une seule assemblée,
Prenons garde à ce qui pourrait diviser nos esprits.
Qu'on en finisse avec les mauvaises querelles et les procès.
Qu'au milieu de nous soit présent le Christ notre Dieu !
Où règnent l'amour et la charité, là règne Dieu !
En compagnie des Bienheureux, puissions-nous voir
Ton visage dans la gloire, ô Christ, notre Dieu !
Et cette joie immense et claire,
Fais-là-nous goûter pour l'éternité. Amen !