Après 20 ans, la roue tourne
Jean RODHAIN, « Après 20 ans, la route tourne », Messages du Secours Catholique, n° 168, novembre 1966, p. 10-11.[1]
Après 20 ans, la route tourne
Ici la route tourne. Le chemin parcouru mesure-t-il vingt lieues ou vingt ans ? Peu importe puisqu’à ce tournant je découvre la plaine d'où je viens, et tant de détours qui m'ont depuis vingt lieues retardé, tant de zigzags qui m'ont depuis vingt ans déconcerté. Arrivé à l'étape, je les compte et je les comprends : il fallait contourner ces rochers insurmontables. Il fallait cheminer doucement dans ces broussailles inextricables.
Il faisait sur la rude pente retrouver la piste où, depuis toujours, le berger sait conduire le troupeau interminable.
La route tourne. Tout au long de cette route il y a eu depuis le départ bien des arbres plantés. Surtout des pommiers : plutôt que de distribuer cent pommes, il valait mieux planter un pommier. Il y a eu des maisons, des cités, quelques premières pierres posées. Il y a eu aussi beaucoup d'occasions manquées. C’est passé. Ne nous attardons pas. Ce qui compte, ce sont les fidélités. Elles sont là.
La route tourne après vingt lieues, et voici plusieurs chemins après vingt ans. Lequel choisir ? Celui qui monte. Le plus dur. C’est toujours le bon.
Pas de phrase. La halte du XX° anniversaire n'est pas faite pour discourir. Le temps d'écrire trois lignes, et c'est fini.
Voici une pierre sur le bord du chemin entre la source et le chèvrefeuille. Sur la pierre, écrivons donc trois lignes. Et repartons sans regarder en arrière. La route monte. Les suivants liront : « Passant, prie ton Dieu, aime ton prochain, et va ton chemin. »
[1] Article non signé mais formellement identifié JR par Françoise Mallebay. (Note de l'éditeur)