Le carnet de Sidoine
Jean RODHAIN, « Le carnet de Sidoine », Messages du Secours Catholique, n° 166, septembre 1966, p. 2.
Le carnet de Sidoine
Nous lisons toutes les lettres relatives à « Messages » avec grand intérêt. Nous aimons les lecteurs attentifs et les abonnés exigeants. Nous chargeons Sidoine de répondre aux lettres les plus typiques :
Lettre n°1 :
« L’éditorial du dernier numéro intitulé « les Canaris de l'inspecteur. » est injurieux pour notre corps d’inspecteurs, veuillez, me rayer immédiatement de la liste de vos abonnés. »
Réponse :
Sidoine regrette que vous n'ayez pas le sens de l'humour. Sidoine est resté atterré de votre décision. Il n'est resté atterré que vingt-quatre heures, car le lendemain il a introduit un autre Inspecteur des Finances. Il venait féliciter l'auteur de l’éditorial, l'assurer que les méthodes de gestion du Secours Catholique inspiraient confiance, et le prouver en remettant un chèque de deux millions d'anciens francs pour que le Secours Catholique l'affecte « suivant les besoins qu'il connaît ».
Lettre n°2 :
Dans votre dernier numéro, vous insérez la lettre d'un lecteur grincheux qui craint, en cas d'accident, de ne pouvoir appeler un prêtre car, dit-il, « depuis qu'ils portent des pull-over, on ne peut plus les identifier ».. Permettez au sacristain d'un curé rural de vous faire deux remarques :
a) en présence d'un accident, un prêtre n'hésitera pas à s'arrêter sans attendre qu’on l'appelle,
b) le Secours Catholique devrait éditer une vignette spéciale pour les autos conduites par des prêtres,
c) vous dites que vous transmettez la lettre de votre lecteur grincheux à « l'autorité » : nos curés se sont faits prêtres par amour, et s'ils ont besoin d'être aidés, stimulés même, on peut leur faire confiance. Inutile d'avoir recours à l'autorité.
Réponse :
a) C'est évident. C'est lorsque le prêtre n'est pas sur place et qu'on en cherche un, que la difficulté commence.
b) Inutile, car vingt-quatre heures après la parution de « Messages » on signalait à Sidoine que l'Automobile-Club Saint-Christophe a édité récemment une vignette spéciale pour les voitures d'ecclésiastiques.
c) Sidoine s'est heurté au refus de la rédaction de « Messages » qui s’est opposée à transmettre cette lettre à l’autorité : elle a estimé que ces questions de costume ecclésiastique ne regardaient pas le Secours Catholique.
Lettre n°3 :
« J'ai toujours été extrêmement choquée de voir le Secours Catholique aider ma vieille voisine tandis que je la vois de ma fenêtre gaspiller son argent en cigarettes ! Or je viens d'apprendre qu'elle est asthmatique et qu'elle était obligée de fumer des cigarettes à l’eucalyptus pour ne pas étouffer. Dans ce cas, ne pourriez-vous prévenir les voisins pour éviter le scandale ? »
Réponse :
Non, nous n'avertirons pas, les voisins : le meilleur moyen d’éviter le scandale est de suggèrer aux voisins de ne pas juger leur voisine et, sur les heures qu'ils consacrent à observer, à supputer et à condamner, d’en réserver le dixième à visiter les vieillards sans famille de leur quartier.
Lettre n°4 :
« J'ai été chagrinée de lire dans le dernier numéro de « Messages », l'article de E. Solesmes qui met en cause un marchand de tissus dont elle ridiculise l’avarice. Un journal catholique ne devrait pas mettre en cause notre honorable corporation dont le commerce, dans les circonstances actuelles, est un gagne-pain exigeant un travail méritoire, etc. »
Réponse :
Le marchand en question s'appelle Jean Columbini, établi à Sienne (Italie) au XIV° siècle, et il honore grondement votre honorable corporation puisqu’il a été élevé par Rome au rang des bienheureux.
Il est exact que E. Solesmes (Page 2, col. 2) a mis une once d'humour pour souligner qu'avant sa conversion votre collègue n'était pas porté sur une charité généreuse. Le sourire d'une plaisanterie est une marque de bonne santé dans un individu, dans une famille et dans un journal et « Messages » n'a aucune envie de confondre « catholique » avec « Pompes funèbres ». Comptez sur Sidoine pour y veiller, mais croyez aussi que nous n'avons pas voulu mettre en cause l'honneur des commerçants en tissus et soieries.
SIDOINE.