Le chalet de la vieille au bois rêvant
Jean RODHAIN, « Le chalet de la vieille au bois rêvant », Messages du Secours Catholique, n°181, janvier 1968, p. 6.
Le chalet de la vieille au bois rêvant
S.O.S. présente à Chamrousse, près de la gare routière des Jeux Olympiques, une exposition intitulée : Le chalet de la vieille au bois rêvant.
Les spectateurs qui, entre deux compétitions, viendront le visiter, découvriront qu'il existe aussi
Ceux de la performance invisible :
Le malade – l’infirme - le vieillard isolé - la mère de famille nombreuse - le réfugié – l’enfant sans soleil du bidonville ou l'enfant sous-alimenté du Tiers monde. C'est-à-dire ceux qui, en silence, luttent tous les jours pour vivre ou survivre.
Cette exposition est ainsi présentée par Sidoine :
Il était une fois, au pays de la glace blanche et des sapins sombres, une très vieille femme aux yeux rougis et aux cheveux de neige avec un ruban noir. Elle savait, d’un coup sec, remettre les fractures et choisir les herbes qu’il faut pour les blessures. Elle savait le sentier du chamois et le jour du pâturage. Elle savait bien d'autres choses encore, car elle n’avait point d’âge.
Elle avait, pendant tant d’hivers, veillé tant de montagnards ! Elle avait, pendant tant de nuits, bercé tant de berceaux endormis, qu’elle déroulait toujours la même complainte du « Bois rêvant ».
Dans les bois, le soir, quand le givre attend la neige, on l’entend parfois chanter la plainte des enfants sans soleil et le refrain des hommes sans pain.
La vieille au Bois rêvant ne descend jamais vers la ville où personne ne l’entend. Elle reste entre la glace et le vent pour compter les amants de la neige. Elle leur murmure dans la nuit tout ce qu’elle sait du dur métier des hommes. Elle chante, doucement, la cordée invisible où s’avancent, l’un à l'autre liés, l’aveugle et le clairvoyant, l’infirme et le galopant, le prisonnier et le patineur.
Et ici, en son chalet, rouge comme ses grands yeux, la vieille au Bois rêvant vous attend...
SIDOINE.