Un développement qui prend racine : les micros
Jean RODHAIN, « Un développement qui prend racine : les micros », Messages du Secours Catholique, n° 183, mars 1968, p. 10-11.[1]
Un développement qui prend racine : les micros
1. - Respecter le terrain
On peut fabriquer des structures à Paris et expédier des plans vers Beril-Gouyah.
On peut aussi proposer une graine lorsque les paysans de Deril-Gouyah ouvrent un nouveau sillon.
Dans le premier cas, c’est du paternalisme économique. Dans le second cas, c’est du développement qui prend racine.
Le respect du village et le respect du paysan de Beril-Gouyah, c’est la première loi des Micro-réalisations.
2. - S’enfoncer pour durer
Plus un arbre est grand, plus ses racines sont ramifiées. Cet éparpillement n’est pas une dispersion. C’est une implantation qui consolide l’arbre tout entier. C’est un réseau de radicelles qui alimente la même sève d’un tronc de plus en plus solide.
De même, les Micro-réalisations ne sont pas des herbes folles. Elles ne sont pas dispersées. Elles se rattachent à un tronc appelé projet, et elles l’alimentent en même temps : chacun de ces projets ainsi ramifié est un développement qui prend racine.
3. - À l’heure atomique
Le XX° siècle sera l'âge des infiniment petits. On a découvert l’existence des micro-organismes, des micro-éléments et chaque ordinateur travaille avec des éléments transistorisés microscopiques. Les centrales atomiques et les usines pétro-chimiques sont parties de laboratoires équipés de microscopes capables enfin, au-delà des molécules du XIX° siècle, de pousser jusqu’à l’atome.
Apprendre à tracer un sillon, s’acharner à creuser un puits, éduquer un enfant sont des réalisations microscopiques. C'est le secret de faire grand. C’est la méthode de l’âge atomique. C’est la clef du développement. C’est la Charité en avance de 50 ans.
4. - Un enracinement dans la vie
Pour que ce pays exporte ses produits, il faut indiscutablement un port : la construction d'un port est à la mesure d’un État.
Le creusement d’un puits est à la mesure d’un village. Et la classe du lycée de Romorantin qui se prive pour envoyer la pompe pour ce fameux puits voit une correspondance s’échanger entre les responsables du village et ses 27 élèves. Il y a des racines du développement qui poussent jusque dans les couloirs d'un lycée. La lettre manuscrite reçue d’Afrique et la photo pas bien réussie du puits avec le premier seau d’eau sont des documents humains plus parlants, plus directs que vingt thèses sur l’Afrique.
Une Micro-réalisation pousse ses racines au-delà du papier imprimé : c’est une opération du cœur.
[1] Article non signé mais formellement identifié Jean Rodhain par Françoise Mallebay.