Le carnet de Sidoine
Jean RODHAIN, « Le carnet de Sidoine », Messages du Secours Catholique, n° 198, juin 1969, p. 2.
Le carnet de Sidoine
Question 1
- Dans votre action de secours au Nigéria-Biafra rencontrez-vous des oppositions ?
Réponse :
- L'aide aux enfants ne rencontre pas d’opposants qui attaquent en face.
Mais ce travail est ralenti par tous les discutailleurs qui ergotent, qui confèrent, qui mâchonnent, qui ruminent sans cesse ces mêmes phrases structurées qui leur servent à la fois d’activité et d’alibi.
Ceux-là freinent les élans de générosité. Ils auraient besoin d’un stage de 24 heures sur un de nos avions : ils se cogneraient enfin aux réalités...
Question 2
- Depuis 18 mois, « Messages » a parlé du Nigéria-Biafra dans chaque numéro. Ne craignez-vous pas à la longue de lasser vos lecteurs ?
Réponse :
- « Messages » n’est pas un journal de modes. Il ne cherche pas « à faire plaisir » à ses lecteurs.
Il cherche à révéler le vrai.
On s’étonne du silence et de la passivité de certains diocèses allemands pendant que les déportés agonisaient à Buchenwald et à Dachau. En ce temps-là il n'y avait pas en Allemagne un seul journal libre pour renseigner.
Ce silence explique en partie cette passivité.
On s’étonnera dans trente ans, en relisant les comptes rendus de tant de réunions locales et nationales, civiles et ecclésiastiques de leurs silences à propos du drame Nigéria-Biafra. C’est pourquoi « Messages » s’obstine à crier que la collégialité post-Conciliaire englobe aussi le peuple de Dieu qui est au Nigéria-Biafra et que l’hécatombe des enfants là-bas devrait figurer à l’ordre du jour de toute assemblée ecclésiale...
Question 3
- Est-ce que vous pourrez continuer longtemps à aider les enfants du Nigéria-Biafra à la cadence actuelle ?
Réponse :
- Non, Il paraît impossible de « tenir » ce rythme longtemps. Financièrement, c’est un gouffre.
Mais l’an dernier, en septembre, toutes les Organisations internationales calculaient qu’elles ne pourraient pas prolonger leur aide au-delà de Noël.
Or depuis Noël la situation est restée criante, et les dons ont continué d’affluer.
Cette persévérance dans la générosité des lecteurs de « Messages » est admirable.
Question 4
- jusqu’ici j’envoyais, chaque année, un mandat important à un missionnaire du Vietnam qui m’est vaguement cousin.
Le vicaire de la paroisse me conseille de mettre fin à ces envois directs et de tout verser au Secours Catholique qui est chargé de tout réunir.
Réponse :
- Votre vicaire a tort. Les envois de cousinage et d’amitié sont une trame spontanée, familiale, vivante, qui forme le plus solide réseau de la charité de l’Église. Il n’est pas question d’y toucher.
Si le Secours Catholique voulait « tout réunir », il marcherait droit à la mort par asphyxie. Il se contente d’essayer d’harmoniser le travail d’ensemble, ce qui est déjà un énorme programme.
Continuez d’aider directement votre missionnaire du Vietnam mais, en lui écrivant, demandez-lui s’il est en liaison avec la Caritas du Vietnam.