Le carnet de Sidoine
Jean RODHAIN, « Le carnet de Sidoine », Messages du Secours Catholique, n° 196, avril 1969, p. 2.
Le carnet de Sidoine
Question 1
- Cher Sidoine, conseillez-moi. Je suis de plus en plus déchirée. Dès que je touche un bouton de porte j’hésite en me demandant si je m’intègre réellement dans la réalité de la condition humaine. Devant mon café au lait, je calcule en quel sens ma tasse bue pèsera sur l'économie du Tiers-Monde ?
J’ai failli donner cent francs pour les enfants du Biafra, mais je n’ose, car autour de moi on me pousse à agir plutôt sur les structures. Mon Dieu ! que faire ?
Réponse :
- Que faire ? Chère amie, voici :
Primo : Prenez chaque matin, avant votre café au lait, une bonne douche froide. Et, au besoin, recommencez dans la journée.
Secundo : Lisez les Actes des Apôtres : Les premiers chrétiens ne coupaient pas les cheveux en quatre. Ils travaillaient. Ils témoignaient.
Question 2
- J’ai dans mon grenier la collection du « Petit Echo des Apiculteurs » d’avant la guerre de 14. Je vais vous l’envoyer, mais j’exige de savoir à quoi cela servira ?
Réponse :
A rien.
Question 3
- Je reçois chaque semaine des prospectus d’œuvres, des appels de missionnaires, des circulaires quêtantes. Quand donc, dans cet incohérent gaspillage, mettra-t-on un peu de méthode ?
Réponse :
- On y vient. Il y a du progrès. Voyez page 7, la note intitulée : Un geste exemplaire.
Question 4
- « Messages » a publié un éditorial qui m’a bouleversé, le mois dernier, à propos des enfants du Nigeria Biafra. Avez-vous des échos de cet appel ?
Réponse :
- Oui, voyez page 6.
Question 5
- je sollicite un conseil. Je désire fonder une œuvre nationale - et si possible internationale - pour aider les enfants du Biafra. Par où dois-je commencer ?
Réponse :
- Commencez par rester tranquille. Et continuez de même. Et si cela vous fatigue, essayez d'aider les œuvres existantes.
Question 6
- Vous nous « cassez les pieds » (sic) avec vos histoires de curés et leur déballage sur la place publique. Jusqu’ici on considérait le sacerdoce comme lié au sacré et discret sur son travail. Si vous aviez pour deux sous de pudeur, vous cesseriez ce strip-tease public de démissions tapageuses, assaisonnées de pétitions et communiqués. Aujourd’hui, l’opinion en a marre. Et demain vous récolterez une bonne vague d’anticléricalisme, car le Français ne tient pas, tandis qu'il travaille, à subir longtemps cet exhibitionnisme clérical.
Réponse :
- Je ne suis qu’un petit sacristain de 3° classe non délégué par mon syndicat, je parle en mon nom personnel en n’engageant que moi tout seul. Mais je vous réponds : « Vous avez cent fois raison, et je suis d'accord avec vous. »
SIDOINE.