S.O.S Nigéria-Biafra
Jean RODHAIN, « Sos. Nigéria-Biafra », Messages du Secours Catholique, n° 195, mars 1969, p. 8-9.[1]
S.O.S. Nigéria-Biafra
Le Nigeria avait fait un effort remarquable de scolarisation. Les missionnaires avaient construit des écoles techniques, même dans des bourgades modestes. Dans l’immense secteur que j’ai parcouru j’ai vu des écoles nombreuses : plus une seule ne fonctionne. Le mobilier est pillé. Les élèves sont dans les forêts. La guerre fait reculer le développement. Cela est vrai au Vietnam. Cela est vrai au Proche-Orient. Cela est évident, cruellement évident ici.
Rencontré dans les forêts du Nigeria, un expert dans les problèmes de réfugiés :
« Il y a 20 ans les Nations Unies ont entassé 800.000 réfugiés arabes dans les immenses camps de Palestine. Cela a constitué un rassemblement anormal, asocial. Ne recommençons pas cette erreur ici. Formons de petits villages de 50 familles. Donnons leur tout de suite des semences, des outils agricoles, provoquons de petites réalisations. »
Nous nous indignons à juste titre aux récits de l’Inquisition, des massacres de la Saint-Barthélemy et de Buchenwald - et nous cherchons comment les contemporains ont réagi devant ces monstruosités.
Dans dix ans on cherchera comment en 1968-69 nous avons réagi devant la mort de tant d’enfants au cœur de l’Afrique...
« Interrompez votre pont arien, et traqués par la famine ils capituleront. Ce sera la fin de la guerre ; et enfin la paix. »
Ce conseil brutal je l’ai entendu en France et en Afrique. C’est un conseil efficace, car en voyant mourir tous leurs enfants les assiégés capitulent finalement. C’est un conseil que nous ne suivrons pas. D’ailleurs à chacun de ces conseilleurs j’ai tendu une feuille de papier blanc leur demandant d’écrire leur proposition et de signer. Jusqu’ici personne n’a osé signer…
« Est-ce que ça arrive ? » Voilà ce qui inquiète celui qui a donné.
Il faut avoir vu l’avidité des responsables devant l’avion qu’on décharge, la rapidité de la camionnette dans la brousse. Et dans le petit centre le partage méticuleux afin que les boîtes de lait durent le plus longtemps possible.
Il faut avoir vu cela pour répondre aux inquiets : « Oui, cela arrive. »
Le mécanisme de nos transports vers le Biafra
Notre base de départ est l’île de Sao Tomé Cette île est située au niveau de l’Equateur.
Cette base reçoit des secours.
Les uns par bateaux :
Ce sont des cargos partant des U.S.A. (lait), d’Islande (poisson séché) et d’Europe qui alimentent la base.
Les autres par avions :
Par air, chaque semaine, un Boeing 707 quitte l’Europe avec une vingtaine de tonnes de vivres et de médicaments demandés d’urgence par le Biafra.
Depuis Sao Tomé, ces secours sont acheminés au Biafra par un pont aérien nocturne. Jusqu’ici on utilisait des DC 6 d’une capacité de 8 à 10 tonnes. L’arrivée d’un avion canadien (Super Constellation type nouveau 1049-H) puis de trois énormes C 97 G (version cargo du Stratocruiser Boeing), fournis par les U.S.A. et d’une capacité de 20 tonnes chacun permet d’amplifier cette noria.
Commencé il y a un an par Caritas Internationalis, ce pont aérien est maintenant géré par l’ensemble des œuvres œcuméniques qui se sont jointes à Caritas. Le Secours Catholique français participe à son financement.
Au 5 mars, .on comptait 1.538 vols.
[1] Article non signé mais formellement identifié Jean Rodhain par Françoise Mallebay.